Exclusif: Le Doyen O.B.Q. écrit à l'Abbé André S. QUENUM
*LETTRE À ABBÉ ANDRÉ S.QUENUM*
par Olympe BHÊLY-QUENUM.
Garrigues-Sainte-Eulalie, 31-08-09
Très cher André,
Je suis à la bourre pour le congrès de la section grecque de l’AICL[1] qui se tiendra du 9 au 14 septembre à Lesbos ; le thème en est : *IMPERIALISME CULTUREL : CULTURE ET LANGUE. *Ma prestation était déjà traduite en grec[2], mais le président de la section grecque m’a téléphoné hier :
« /Kaliméra*[3]* cher Olympe, prépare-toi à dire aussi quelque chose d’autre sur l’Afrique, la FranceAfrique, la privatisation de sociétés dans ton pays, puisque tu as abordé ce problème dans C’était à Tigony dont-je t’informe- un chapitre est traduit en grec ; le débat risque de ne pas être olympien ! /»
Je suis pris de court mais j’ai lu ton « *Chut ! Silence ! Au Bénin, on censure !!!* » que j’ai imprimé et l’emporterai en Grèce avec un article du quotidien Le Monde qu’un ami européen qui a récemment séjourné au Bénin m’a communiqué avec les propos que voici :
par Olympe BHÊLY-QUENUM.
Garrigues-Sainte-Eulalie, 31-08-09
Très cher André,
Je suis à la bourre pour le congrès de la section grecque de l’AICL[1] qui se tiendra du 9 au 14 septembre à Lesbos ; le thème en est : *IMPERIALISME CULTUREL : CULTURE ET LANGUE. *Ma prestation était déjà traduite en grec[2], mais le président de la section grecque m’a téléphoné hier :
« /Kaliméra*[3]* cher Olympe, prépare-toi à dire aussi quelque chose d’autre sur l’Afrique, la FranceAfrique, la privatisation de sociétés dans ton pays, puisque tu as abordé ce problème dans C’était à Tigony dont-je t’informe- un chapitre est traduit en grec ; le débat risque de ne pas être olympien ! /»
Je suis pris de court mais j’ai lu ton « *Chut ! Silence ! Au Bénin, on censure !!!* » que j’ai imprimé et l’emporterai en Grèce avec un article du quotidien Le Monde qu’un ami européen qui a récemment séjourné au Bénin m’a communiqué avec les propos que voici :
« Mon très cher Olympe, j'ai lu deux de tes articles, vous devriez être un cercle de dix intellectuels politiques capables de travailler comme toi, car ce que j'ai pu constater en six semaines n'augure pas d'un avenir serein pour ton pays, alors je t'envoie le texte paru dans Le Monde, si tu ne l'as pas lu déjà; connais-tu ce Monsieur Bourgi ?»[4]
André, si je te fais part du message de mon ami qui, en Franc-Maçonnerie, est aussi de ceux que nous appelons un Frère, c’est parce que je voudrais que sa suggestion afférente à « /dix intellectuels politiques capables de travailler…/ » ne te laisse pas de marbre ; j’ai déjà analysé des nuances de tes articles, mais je déclare ici : très regretté aîné et Ami, le Cardinal Bernardin GANTIN qui me connaissait réellement, n’aurait désapprouvé aucune de mes interventions dans la politique de notre pays, puisqu’il m’avait tenu les propos que certains opposants au système du président Thomas Boni Yayi commencent de répéter :
* « /To o do gbi gbà wè/ » ; il y eut un petit silence et il ajouta d’une voix très fatiguée : « /To o gbà … Olympe, je te connais, je sais que tu ne baisseras jamais les bras/. » *
Un jour, un thuriféraire du changement-non-changement m’a téléphoné pour me laisser entendre : « le Cardinal recevait le président Yayi, il ne vous a jamais dit ce que vous avez osé écrire… »
J’ai pouffé avant de dire mollement : « Qui êtes-vous Monsieur ? Vous avez omis de décliner votre identité mais…puisque la société secrète des Egun existe au Bénin, vous pourriez en devenir membre ; ainsi , il vous serait loisible de faire parler le fantôme du Cardinal !»
Il m’a traité de « vieux cynique » et a coupé la conversation ; j’ai un peu compris ce qui se passe quand on n’est pas disposé à voir en la personne de Monsieur Thomas Boni Yayi le messie qui, au lieu de sauver le Bénin de la situation héritée du régime précédent, en ajoute en accentuant la misère du peuple.
Tu as fait état de l’action des /*« watchdog » */aux USA ; si les journalistes de chez nous sont achetés par le pouvoir politique, ou muselés au point que, au contraire des *Pavlov’s Dogs*, ils en sont à ne pas pouvoir réagir sans barguigner à une situation préoccupante, voire drastique,
il faudrait que les intellectuels, les artistes, les ecclésiastiques aussi qui constatent le gâchis qu’est la politique du président Thomas Boni Yayi constituent un contre-pouvoir, mouvement qui ne baissera pas les bras parce que, progressivement, le pays devient un terreau où s’enracinent la violation des droits de l’homme, le déni systématique de justice, l’oppression , l’étouffement des manifestations de travailleurs, des syndicats et des étudiants.
Fils d’une Grande Prêtresse vodún, l’étude d’un corpus d’ hymnes sacrés[5] m’a permis de déceler des appels à la révolte dans ces chants harmonieux imprégnés de charme ; aussi n’hésiterais-je pas à inviter les vodúnsi à se joindre aux protestations contre les agissements du pouvoir politique qui ont motivé des organisations d’opposants, voire parmi ceux qui avaient cru au changement.
Roger Gbégnonvi est un ami ; je crois l’avoir mis en garde quand il était entré dans le gouvernement du changement, évoquant seulement un entretien que j’ai eu en 1966 avec le président L.S. Senghor. Roger m’a personnellement envoyé le texte de sa dénonciation des méthodes du chef de l’Etat béninois ; j’ai promis de lui répondre publiquement ; je le ferai à mon retour de Lesbos ; je regrette qu’il se soit d’abord discrédité lourdement en s’aliénant, avant de faire machine arrière. Bof ! rien ne vaut l’expérience, mais le président Nicéphore Dieudonné Soglo a raison qui m’a dit quand Roger a eu rejoint le pouvoir des arbitraires : « /Olympe, toi et moi, nous nous connaissons de très longue date ; tu me demandes ce que je pense de l’entrée de Gbégnonvi dans le gouvernement ; eh bien, s’il y reste deux ans, je ne suis plus Soglo./ » L’oracle Aïdegun n’aurait pas prédit mieux.
Tu as fait allusion au /prophète Nathan, lecteur passionné de l’Ancien Testament, je sais un peu de ses griefs contre le roi David au sujet de l’usage qu’il faisait de Bethsabée, la femme d’Urie ; eh bien ! Béninois lambda, la masse d’informations accumulée m’a permis de me rendre compte que le chef de l’Etat n’est pas au service du peuple; alors, *abikú rebelle*//, je suggère qu’en fon, dendi, yoruba, mina, français//, /le peuple scande régulièrement ces propos de Job :
1. « A ses serviteurs mêmes, Dieu ne fait pas confiance,
2. et il convainc ses anges d’égarement.
3. Que dire des hôtes de ces maisons d’argile,
4. posées elles-mêmes sur la poussière ?
5. On les écrase comme une mite : un jour suffit
6. à les pulvériser.
7. A jamais ils disparaissent et
8. nul ne les rappelle.
9. Leur piquet de tente est arraché,
10. et ils meurent faute de sagesse"
11. [...]
12. « Non, la misère ne sourd pas de terre,
13. la peine ne germe pas du sol.
14. C’est l’homme qui engendre la peine,
15. comme le vol des aigles cherche l’altitude. »//
16. 17. Et aussi :
18. 19. « Un homme peut-il être utile à Dieu,
20. quand un être sensé n'est utile qu'à soi?
21. Shaddai est-il intéressé par ta justice,
22. tire-t-il profit de ta conduite intègre ?
23. Serait-ce à cause de ta piété qu'il te corrige
24. et qu'il entre en jugement avec toi ?
25. N'est-ce pas plutôt pour ta grande méchanceté,
26. pour tes fautes illimitées ?
27. Tu as exigé de tes frères des gages injustifiés,
28. dépouillé de leurs vêtements ceux qui sont nus ;
29. omis de désaltérer l'homme assoiffé
30. et refusé le pain à l'affamé ;
31. livré la terre à un homme de main,
32. pour que s'y installe le favori ;
33. renvoyé les veuves les mains vides
34. et broyé le bras des orphelins.
35. Voilà pourquoi des filets t'enveloppent
36. et des frayeurs soudaines t'épouvantent.
37. Ou bien c'est l'obscurité, tu n'y vois plus
38. et la masse des eaux te submerge. »
Affectueusement, je t’embrasse.
Olympe