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Hebdomadaire Catholique: Justice - Vérité - Miséricorde
 

Les vendeurs de vent


Mon cher Colibri

Je   me réjouis particulière-ment  de te donner les dernières nouvelles du pays de l’Oncle Sam. Dans notre hameau, on me traite moi Dansou de fou. Mais tu ne peux pas t’imaginer que je vis au milieu de gens plus fous que moi. Depuis quelques jours, des milliers de familles sont éjectées manu militari de leur maison car elles n’arrivent plus à rembourser l’argent emprunté pour acheter leur maison. Et pour cause. Les banquiers véreux leur demandent de payer le triple voire le quintuple de l’argent qu’ils leur avaient donné pour acheter leurs maisons. Les banques ont mis en solde les maisons saisies, mais plus personne n’a d’argent pour les leur acheter. Certaines d’entre elles et pas des moindres doivent beaucoup d’argent à d’autres banques qui le leur réclament sans succès. Les banquiers ferment boutiques en oubliant de remettre l’argent des déposants et se déclarent en faillite. Beaucoup de sociétés d’assurance qui garantissaient les dépôts et autres titres contre la banqueroute se déclarent aussi en faillite. Les papys et les mamys qui ont cotisé de l’argent toute leur vie afin de passer une retraite paisible ont perdu en l’espace d’un matin, comme la rose, toute leur économie. Ici tout est sens dessus sens dessous. Nous sommes dans l’aire de «wahala, no longer at ease». Ce n’est pas un malaise, mais c’est le monde qui s’effondre.
Le péquenot de Djodji le broussard a réussi son dernier coup de poker en sciant, à la veille de sa descente dans les oubliettes de l’histoire, après toutes les gaffes commises en Mésopotamie et dans d’autres pays des enfants de Mahomet, l’arbre du capitalisme débridé sur lequel il repose lui-même avec tout son peuple et ceux de ses vassaux.
Plus rien ne se vend sur les marchés qui regorgent de milliers de vendeurs de cauris que personne ne veut. Ce sont de faux cauris bien qu’ils soient brillants, vermeils et golden. La mévente a même atteint le pays des hommes jaunes et celui du Petit Père des peuples. Tous les jours, Djodji le broussard monte sur les toits et crie au secours. Il ne s’écoule plus une seule seconde qu’il ne téléphone à Nicolas le gaulois, à Angèle la djanman, et même à Socrate le petit Agouda qui n’a rien de philosophe. Rien n’y fit. Les marchés coulent à pic et devant leur étalage, les golden boys sont tristes à en mourir comme des croques-morts à la veille d’une liquidation judiciaire.
Il paraît que la crise s’en vient vers notre hameau. Quand elle va s’ajouter à la faim qui vous tenaille, aux interminables palabres autour des «kataklè» et au refus des amis de papy maçon, de Dikpè Saki et de Dadjè sans oublier ceux d’Oba Adjaokouta d’aller travailler dans la grande Case avec notre Papa National, ce sera la fin du haricot. Ce n’est pas la dernière causerie, encore une de plus, de papy Mansato sur la misère qui nous colle à la peau à la super glu qui nous sauvera. Quand je pense qu’au temps du roi Agadja, chacun amenait ses tubercules de manioc au marché et les échangeait tranquillement contre du poisson séché et même de temps à autre lui-même donnait quelques captifs contre du tafia, on avait au moins l’assurance de ramener du marché autre chose que ce qu’on y a porté. Mais ils ont inventé l’argent. C’est merveilleux mais dramatique depuis qu’ils ont commencé à le vendre.
Mon cher Colibri, voilà  à quel port d’attache nous a conduit le bateau ivre de la nouvelle économie dite virtuelle.
Alors une fois encore, Colibri se tourna vers son octogénaire de maman pour en savoir plus.
Mon cher Colibri, il y a quelques lunes, une maîtresse d’école raconta à ces écoliers une petite histoire à nous couper le souffle. Un blanc-bec, affublé d’un négro, une espèce d’armoire à glace aux épaules de déménageur, débarqua un matin d’harmattan sur les rivages d’un hameau. Il proposa aux habitants de ce hameau de leur acheter des singes pour dix sous l’unité. Il en acheta à remplir des dizaines de cages. N’en ayant pas assez, il porta la mise à  vingt-cinq sous, puis à cinquante sous. Il n’y avait plus de singes dans la forêt. Le sachant très bien, notre blanc-bec porta la mise à cent sous l’unité. Le loustic s’en alla en voyage et laissa sous la bonne garde de son ami le négro, des centaines de cages remplies de singes. Le négro réunit les habitants du hameau et leur proposa de leur vendre à cent sous l’unité, les singes qu’ils revendront à leur tour à cinq cent sous à son patron dès son retour du voyage. C’est le branle bas de combat. Les uns vendirent leurs troupeaux de bœufs, de moutons, d’autres leurs champs, leurs trous à poissons. Certains clans vendirent même leurs forêts sacrées pour acheter des singes à cent sous. Même Codjo le filou succomba à la tentation en donnant en mariage à l’aïeul Gbesso, contre le paiement comptant de la dot, le fœtus que portait sa première femme. Une fois la vente terminée, notre négro empaqueta soigneusement ses sous et disparut. Les habitants ruinés du hameau n’avaient plus que leurs yeux pour pleurer et en prime des milliers de singes sur les bras. C’est cela l’économie virtuelle ! On vend du vent. Un jour, la bulle éclate et le vent s’en va…

Le Colibri



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