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Racisme et Entreprise : Victoire historique de Badjeck contre Aéroports de Paris (ADP)  

21/10/2007

 

Afrikara

 

Le franco-camerounais Thierry Badjeck licencié le 16 juin 2006 de son entreprise ADP pour avoir traîné en justice cette institution économique française pour discrimination dans l’attribution d’un poste de cadre, a été réintégré par décision de justice, avec ses trois camarades blancs solidaires, Pouillon, Canizares, Schauffuser. Le 1 octobre 2007 la décision de justice était effective. En effet par l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 05 juillet 2007, les ADP ont été contraints de réintégrer les quatre salariés dont le véritable péché avait été de contester pour le camerounais, et de témoigner pour ses camarades une décision excluant le Non-Blanc d’un poste de cadre.

 

Titulaire de plusieurs diplômes de troisième cycle et formé en design industriel, Thierry Badjeck, de loin le plus qualifié de son service n’avait pas compris que son entreprise, en mai 2005, contrairement à ses pratiques habituelles se tourne vers l’extérieur pour recruter un cadre dont les missions cadraient largement avec l’expérience et les compétences d’un salarié déjà en poste. Trop Black ou pas assez Blanc, ou autre anomalie génétique ? En tous cas les collègues de service de Badjeck s’offusquent des propos qu’ils entendent à propos de leur collègue et qui vont dans le même sens. Ce poste de cadre, poste visible à priori, n’est pas pour les " Blacks".

 

C’est alors que commença un véritable roman surréaliste dans lequel Badjeck postula au poste en connaissance de cause (poste interdit à un "black") et en vînt à porter plainte contre son employeur en décembre 2005. Entre temps, la situation de tension nerveuse créée était telle que les quatre concernés, les trois témoins solidaires et le discriminé en chef virent leur santé se détériorer au point qu’ils durent exercer leur "droit de retrait", c'est-à-dire la possibilité pour des salariés de ne pas se rendre sur leur lieu de travail en cas de menace physique ou morale. La pression exercée sur le site de travail aux ADP fut telle que Badjeck s’effondra un jour sur son lieu de service devant une énième provocation d’un cadre de bonne couleur.

 

La plainte déposée en décembre 2005 fut elle-même dans son traitement, par les acteurs et auxiliaires de la justice -avocats, inspection du travail, …- une mine d’irrégularités et de manquements aux règles déontologiques de base. Une bataille physique qui a vu Badjeck et ses camarades étudier eux-mêmes les argumentaires et procédures juridiques articles par articles pour éviter la désagréable surprise d’un procès complètement pipé… Licencié, à quelque chose malheur est bon, Badjeck se consacrera entièrement à la préparation de son action en justice, tout en se battant comme dix pour faire sortir cette affaire historique du silence des médias. Quasiment tous les journaux et journalistes des grandes maisons de presse furent contactés et tenus au courant de l’évolution de l’affaire pendant un an. Le militantisme citoyen, la persévérance et la témérité dans la communication active des quatre des ADP furent récompensés par quelques passages télévision qui en règle générale ne mentionnèrent pas la grande société nationale.

Il demeure stupéfiant qu’il ait fallu statuer dans une juridiction de recours, la cour d’appel, sur des éléments patents étrangers au dossier, produits par ADP et acceptés comme tels par les prud’hommes. Aéroports de Paris n’avait pas hésité à communiquer une dizaine de pièces sur des écrits en relation avec Thierry Badjeck publiés sur Internet relatifs à la traite négrière atlantique, à l’humoriste Dieudonné, … Laissant conclure que la participation à titre privé d’un salarié aux débats de sa société, objectivée partiellement au moins par effraction dans ses correspondances personnelles, pondérait l’accusation de discrimination raciste dans l’évolution d’une carrière ou dans le recrutement ! Le fait est qu’un tel amalgame a été validé en première instance, ce qui est très grave et mériterait des suites … judiciaires.

 

La justice a lavé en partie son honneur par la décision du 05 juillet et envoie un message décrypté non pas aux entreprises et aux maîtres des marchés mais à tous les discriminés trop souvent effrayés par des sanctions formelles, illégales ou des intimidations. On ne peut pas faire fi, c’est certain, des conditions matérielles qui empêchent souvent une résistance individuelle durable. La vérité de cette première bataille gagnée par Badjeck au front, ses trois collègues et les trop peu nombreux mais volontaires qui les ont aidé à organiser leur défense et la médiatisation a minima de cette affaire, est bien dans le caractère historique d’un discriminé soutenu par des collègues blancs, tous condamnés et finalement tous réintégrés.

La victoire est donc de taille même si Badjeck n’a toujours pas obtenu le poste de cadre, mais pour la première fois une entreprise aussi importante perd une manche judiciaire décisive et est obligée par un Non-Blanc à respecter le droit du travail valable pour tous indépendamment des considérations raciales et autres.

La grande défaillance des syndicats, et du syndicalisme européen en général dans les questions de discrimination dans le monde du travail est une réalité en soi du racisme dans les sociétés dites démocratiques. Il faudra bien que cette question soit soulevée un jour, sans oublier celle de l’absence chronique de mobilisation des discriminés eux-mêmes.

Tag(s) : #Veille juridique
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