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PROJET DE REFORMES CONSTITUTIONNELLES AU SENEGAL : Tirer la démocratie vers le haut

 

 
Publié le mardi 18 février 2014

Très audacieuses mais fort pertinentes sont les réformes préconisées récemment au président Macky Sall du Sénégal, par la Commission nationale de réformes des institutions (CNRI). La fonction présidentielle pourrait s’en trouver verrouillée.
Mais aussi, pour être éligible à la magistrature suprême, le candidat devra     être âgé de 35 à 70 ans. Il est précisé que « le mandat en cours du président de la République lors de l’adoption de la présente Constitution est compris dans le décompte du nombre autorisé de mandats » ; mais aussi, que « le président de la République en fonction termine son mandat au 5e anniversaire de la date de son élection ».


En apparence, les mesures recommandées découlent des expériences vécues sous l’ère du président Abdoulaye Wade


Les débats feront sans doute rage. Car, au sein de l’actuelle classe politique, des ténors se trouveront lésés : Moustapha Niasse, actuel chef du Parlement ; des leaders classés à gauche comme Abdoulaye Bathily, Landing Savané, seront écartés de la course : tous auront plus de 70 ans en 2017. Ousmane Tanor Dieng, s’il se présente et l’emporte, ne pourra lui, faire qu’un seul mandat. Par ailleurs, pour certains analystes, envisager le retrait d’un député après deux mandats consécutifs, pourrait se heurter à la volonté populaire, si tant est que le peuple reste toujours désireux de reconduire un élu. La chose paraît moins évidente, s’agissant     du parachutage de candidats, orchestré par un parti politique, sur la base de listes nominatives. Mais, les hommes et femmes de ce pays, ne nous ont-ils pas habitués à des conduites responsables, chaque fois que la barque sénégalaise a menacé de chavirer ? Pourquoi ne s’assumeront-ils pas, sachant que l’avènement d’un nouveau leadership s’impose sur l’ensemble du continent ? Agir dans le sens du changement ne fera que mieux positionner le Sénégal !

En apparence, les mesures recommandées découlent des expériences vécues sous l’ère du président Abdoulaye Wade. L’ancien chef de l’Etat sénégalais se serait compromis en voulant positionner son fils Karim, au mépris des prétentions de son entourage et des autres acteurs politiques. Le père et le fils ayant été balayés par les intempéries de la démocratie, il a paru donc convenable de prendre des dispositions afin de parer à toute éventualité. Du reste, la Commission à l’origine des mesures recommandées se compose de personnalités de renom. Elle est présidée par un homme à la réputation en béton, et qui a fait la fierté de l’Afrique et de la Francophonie à la tête de l’UNESCO : Ahmadou Mahtar MBow.

Certes, dans l’histoire politique contemporaine, l’on a enregistré des dynasties du genre Kennedy et Bush aux Etats-Unis, des équivalents en Inde avec les Gandhi, et tant d’autres en Asie et en Amérique latine. Mais, il aura fallu pour cela le respect des textes, des règles du jeu, du scrutin, des institutions et de l’électeur. La démocratie se construit et se consolide ; mais pas à coups d’argent, d’intimidations et de répressions. Il faut éviter ces textes échafaudés pour faciliter le passage forcé des proches. Ils infantilisent le peuple. Les réformes sont légitimes quand elles sont impersonnelles. Elles irritent et révoltent, lorsqu’elles sont confectionnées pour arranger ou desservir des individus. Aussi l’initiative sénégalaise mérite-t-elle d’être saluée. Elle consacre le dépassement de soi, et célèbre le souci de préserver l’intérêt général.


Nul doute que le projet de réforme constitutionnelle suscitera des débats fort controversés


Les réformes envisagées sont consubstantielles à la vie démocratique. Le Sénégal ne disposerait donc plus d’une Constitution à vie ; celle-ci serait arrimée à l’évolution de la vie démocratique, et non aux ambitions égoïstes de quelques individus avides de pouvoir, et dont la rapacité scandalise l’opinion. Adieu donc à ces postes électifs dans lesquels des « sans-gêne » savent bien prendre plaisir à faire carrière en Afrique. Des mesures d’une telle portée vont dans le sens de l’oxygénation de la démocratie. Trop de lacunes assombrissent les expériences en cours sur le continent. Il faut oser tourner la page.
Des obstacles restent encore à franchir d’ici à l’adoption des projets. Les réformes pourraient se heurter à l’intérêt œsophagique de certains individus. Des députés pourraient s’y opposer pour diverses raisons. Entre autres, il y a le cas des candidatures indépendantes. Mais, le Sénégal nous semble suffisamment ancré dans la démocratie pour surmonter les obstacles éventuels. Pourquoi donc désespérer de voir les choses évoluer positivement ?
Le cas du Sénégal ne saurait étonner, en raison même de la qualité du cheminement de son expérience démocratique. Ce pays est véritablement ancré dans la démocratie, et il s’impose depuis les premières années de son indépendance. En démissionnant pour la postérité, son premier président, Léopold Sédar Senghor, avait réussi à faire de son engagement politique et de son renoncement, une référence, et de l’approfondissement de la démocratie, une réalité.

Selon le projet de réforme, le poste de chef de parti ne reviendra plus au président. Une fois élu, le président n’aura le droit d’exercer aucune fonction dirigeante dans un parti politique, encore moins d’appartenir à une quelconque association. Il ne peut appartenir à aucune assemblée élective, et ne peut exercer aucune autre fonction publique ou privée. Ses     prérogatives de président du Conseil supérieur de la magistrature relèveront désormais du président de la Cour constitutionnelle, laquelle remplacera alors le Conseil constitutionnel. 
Le Sénégal est un pays de dialogue permanent, de tolérance, et surtout de     débats contradictoires francs. En particulier, on sait en tirer l’essentiel pour se forger une voie consensuelle, et avancer non sans heurts - c’est évident-, mais avec encore plus de sagesse et de responsabilité. 
En provenance du Sénégal, voilà donc un nouvel exemple de démocratie à saluer. Nul doute que le projet de réforme constitutionnelle suscitera des débats fort controversés. Il n’empêche, l’acte est courageux et salutaire ; il porte en lui les germes de l’espoir d’une Afrique désireuse de changer de leadership. Ce projet a du mérite car il vise à tirer la démocratie vers le haut et d’une certaine façon, il est l’expression d’un dépassement de soi pour les intérêts de la postérité et non pour ceux des dirigeants actuels.


« Le Pays »

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Tag(s) : #Politique Africaine
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