Le problème de l'affaire Dominique Strauss-Kahn, c'est qu'elle vient s'ajouter à beaucoup trop de précédents. Les histoires ont d'abord circulé sur le ton de la plaisanterie : DSK, grand séducteur ; DSK, coureur ; DSK et ses avances un peu insistantes auprès des jolies journalistes…
Puis, il y a eu les livres dans lesquels on devinait que les descriptions d'un homme politique jamais nommé et décrit comme obsédé par le sexe, régulier du club échangiste Les Chandelles [1] et incontrôlable le concernaient.
Pendant des années, cette réputation n'a pas semblé pouvoir entraver de quelque façon que ce soit sa carrière politique. C'est seulement en 2007, à sa nomination au FMI, que la question a été posée publiquement par Jean Quatremer, journaliste à Libération :
« Le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. Un travers connu des médias, mais dont personne ne parle (on est en France). »
« On a fini par se battre »
En février 2007, une jeune femme, Tristane Banon, journaliste et romancière (et contributrice du nouveau site d'info marqué à droite Atlantico), a pourtant raconté qu'un homme politique avait tenté de la violer – elle a a précisé un an plus tard qu'il s'agissait de DSK [2].
Sur le plateau de « 93, Faubourg Saint-Honoré », l'émission qu'animait alors Thierry Ardisson sur Paris Première, elle le décrit comme un « chimpanzé en rut ». (Voir la vidéo)
Selon elle, Strauss-Kahn lui a donné rendez-vous afin de préciser une des réponses données lors de l'entretien. Voilà ce qu'elle raconte alors aux convives – Jacques Séguéla, Thierry Saussez, Jean-Michel Aphatie, Roger Hanin, Gérald Dahan, Claude Askolovitch et Hedwige Chevrillon :
« Je suis arrivée devant l'adresse, je me suis garée, je suis montée, c'était un appartement vide, complètement vide, avec un magnétoscope, une télévision. […]
J'ai posé le magnétophone tout de suite pour enregistrer, il a voulu que je lui tienne la main pour répondre, parce qu'il m'a dit “je n'y arriverai pas si vous ne me tenez pas la main”, et puis après la main c'est passé au bras, et c'est passé un peu plus loin, donc j'ai tout de suite arrêté…
Je suis arrivée là-bas, j'avais un col roulé noir, ça fait peut-être triper les mecs un col roulé noir mais faut arrêter, et après surtout c'est que ça s'est très très mal fini, parce qu'on a fini par se battre.
Donc ça s'est fini très très violemment, puisque je lui ai dit clairement “non, non”, on s'est battus au sol, pas qu'une paire de baffes, moi j'ai donné des coups de pieds, il a dégrafé mon soutien-gorge, il a essayé d'ouvrir mon jean… »
DSK m'a dit : « Je sais pas ce qui m'a pris, j'ai pété un plomb »
A l'époque, on est en 2002, la jeune journaliste recueille des confessions de personnalités pour un livre sur les grandes erreurs de leur vie. C'est pour cet ouvrage qu'elle rencontre Dominique Strauss-Kahn. Anne Mansouret, la mère de Tristane Banon, élue socialiste et blogueuse à Rue89 [3], se souvient :
« Tristane a fait une dépression. Sa vie professionnelle a été perturbée par cette histoire. Elle est sous pression depuis huit ans, c'est un véritable harcèlement.
Ce n'est d'ailleurs pas DSK lui-même qui est derrière ce harcèlement, mais son entourage, Ramzi Khiroun [conseiller en communication de DSK, ndlr]. Le prochain roman de Tristane, dont la sortie était prévue à la rentrée 2011, a été mis en suspens à cause de la candidature de DSK ! C'est une pression permanente.
En 2002, des amies socialistes pensaient que Tristane devait porter plainte mais je l'ai dissuadée. Je ne voulais pas qu'elle soit à vie “la fille qui…” Elle démarrait juste dans le journalisme, je ne voulais pas que ça entrave sa recherche de travail ; c'est un milieu difficile.
Sur le plan familial, c'était compliqué aussi. DSK est le père de sa meilleure copine et l'ex-mari de sa marraine. Ça nous paraissait délicat. Mais sa vie a été bousculée et elle a craqué un nombre inconsidéré de fois. J'en ai parlé une fois avec DSK. Il a dit “je sais pas ce qui m'a pris, j'ai pété un plomb”. »
Anne Mansouret a ensuite réitéré ses propos dans des interviews à Paris-Normandie [4] ainsi qu'à France 3 Haute-Normandie. (Voir la vidéo)
Tristane Banon, qui a plusieurs fois répété qu'elle avait renoncé à sa plainte, ne souhaite pas s'exprimer pour l'instant − « C'est une vieille histoire », a-t-elle déclaré dans « Le Roman vrai de Dominique Strauss-Kahn », biographie autorisée signée Michel Taubmann.
Dans cet ouvrage, Ramzi Khiroun avance que Tristane Banon aurait inventé cette histoire de toutes pièces pour se venger de Dominique Strauss-Kahn : le chapitre qui lui était consacré avait été retiré par l'éditeur sur pression du staff de DSK.
Dans le chapitre consacré aux « trompettes de la rumeur », pour déconstruire la réputation sulfureuse du directeur général du FMI, l'auteur cite Véronique Bensaïd, militante socialiste de Sarcelles devenue conseillère parlementaire de DSK à Bercy en 1998. Elle l'accompagnait « deux fois par semaine » à l'Assemblée nationale :
« Dominique était encore plus dragué que dragueur. C'était inimaginable ! Quand nous étions au banc du gouvernement, pour la discussion des amendements, certaines femmes députées me passaient des mots à lui transmettre contenant parfois des déclarations enflammées, voire délirantes.
J'ai vu des femmes faire des numéros de claquettes dignes des plus grandes prostituées, j'ai vu des élues, des collaboratrices prêtes à tout pour coucher avec lui.
J'ai remarqué ce phénomène avec d'autres ministres. Mais avec Dominique, cela atteignait des sommets. En réalité, on peut parler de harcèlement sexuel. Mais Dominique en était la victime ! »
Aurélie Filipetti : « Ne pas me retrouver seule avec lui »
Une version qui ne colle pas avec celle racontée par Aurélie Filipetti. En 2008, interrogée par Le Temps [5], la députée évoque le souvenir d'une tentative de drague « très lourde, très appuyée » de DSK :
« Je me suis arrangée pour ne pas me retrouver seule avec lui dans un endroit fermé. »
Même dans le cas de sa liaison consentante entretenue avec Piroska Nagy au FMI en 2008 – un rapport avait blanchi DSK – le doute a plané après la révélation de cette lettre écrite aux enquêteurs :
« Je n'étais pas préparée aux avances du directeur général du FMI. […] J'avais le sentiment que j'étais perdante si j'acceptais, et perdante si je refusais. […] Je crains que cet homme [DSK] n'ait un problème qui, peut-être, le rend peu apte à diriger une organisation où travailleraient des femmes. »
Une responsable socialiste estime que sa candidature est foutue :
« Il n'est peut-être pas conscient d'être brutal, mais il y a des quantités d'histoires et elles vont sans doute ressortir maintenant. »
Dominique Strauss-Kahn, inculpé d'agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration, a nié ce dimanche tous les faits qui lui sont reprochés. Il plaidera non coupable.