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La démocratie en marche arrière au BENIN

 

 

Sujet: Actualités

Nous l’avions crié haut et fort : « Nous avons vaincu la fatalité ».La fatalité d’un destin rabougri et médiocre qui  consacra la longue agonie d’un pays à l’ombre problématique des fusils, sous la tutelle des utopies prétendument révolutionnaires. C’était le coup du cœur des participants à la Conférence des Forces vives de la nation. Notre pays revenait de loin.

A voir le Bénin tel qu’il va aujourd’hui, avons-nous vraiment vaincu la fatalité ? Il faut prendre l’exacte mesure de la crise qui nous frappe. Celle-ci fait profiler à l’horizon les fantômes et les démons d’hier que nous pensions avoir débarrassés de nos existences et de notre vie nationale. Comme si nous n’avons rien retenu de notre longue errance, à la recherche d’un point d’appui pour arrêter une inexorable descente aux enfers. Comme si, après dix-huit ans d’une vie constitutionnelle à peu près normale, nous succombions, à nouveau, à l’attrait du fruit défendu.
Un formidable capital d’espérance est ainsi en train de foutre le camp, jour après jour. Ce qui pourrait consacrer, à terme, l’un des plus grands gâchis de notre histoire nationale. Si rien n’était immédiatement fait pour enrayer les périls qui pointent, notre génération sortirait de scène précédée du jugement terrible et sans appel d’une impotence à nulle autre pareille, d’une incapacité notoire. On ne l’aurait pas volé, en tout cas, un  tel jugement si nous devions nous montrer inaptes à remuer nos cerveaux pour inventer la thérapie idoine face à la débâcle qui s’annonce.


Tout ce que nous ferons de bien et de bon pour nous sortir de la mauvaise passe où nous sommes, sera mis autant à notre solde présent qu’à notre crédit futur. Il s’agit pour nous d’opérer donc un double sauvetage : nous tirer immédiatement d’affaire d’une part, pour nous éviter la honte d’un piètre et médiocre spectacle de nous-mêmes, nous dédouaner auprès des générations futures de Béninois d’autre part, pour qu’il ne soit pas dit que nous sommes rentrés dans l’histoire les mains vides, sans héritage,  zombis sans présence sur la scène d’une tragique absence. Voilà l’enjeu !

 

 

Alors que nous devons en être à nous occuper à enraciner notre expérience démocratique, à travers une pratique sociale chaque jour consolidée, nous en sommes à parler de tracts, de lettre anonyme, de menaces de mort sur des personnalités en vue de notre pays, de destruction des biens des citoyens, toutes pratiques qui nous renvoient à un passé que nous avions cru à jamais enterrer.

 

C’est un recul que de soutenir l’idée de tract, de lettre anonyme dans un pays qui connaît une véritable explosion médiatique. Qui manifeste encore le désir de se cacher et à quelle fin alors qu’il a, à disposition, plus d’une cinquantaine de quotidiens, des dizaines de radios qui maillent et occupent aussi bien l’espace urbain que l’espace rural du pays ? L’expérience de la libre expression, à travers des émissions interactives dans lesquelles il est loisible aux auditeurs de grogner à loisir, disqualifie ipso facto toute entreprise qui emprunte le masque de la clandestinité et la cagoule de l’anonymat.

 

Et puis, plus grave, on parle d’assassinat là où nous ne voulons retenir que la vie, fleurissant en gerbes multicolores dans notre jardin démocratique. On parle de violence là où nous ne voulons privilégier que le débat d’idées et à plusieurs voix entre citoyens soucieux du devenir heureux de leur pays. On parle de guerre là où nous n’acceptons, désormais, que l’urne comme seul et unique métronome de notre vie nationale, l’arbitre par excellence entre plusieurs visions, entre plusieurs projets et programmes.

 

Alors que nous devons en être à chérir l’Etat de droit dans notre pays, à nous y tenir comme à la prunelle de nos yeux, nous en sommes à cultiver l’illégalité, la défiance à l’autorité, avec la non installation, à ce jour, d’une quinzaine de conseils municipaux.

 

Alors que nous devons en être à faire l’expérience d’une collaboration poussée entre les différentes institutions de la République, sans préjudice du principe de la séparation des pouvoirs, nous en sommes à constater le blocage du Parlement. Ce qui ne laisserait à l’exécutif, si la crise actuelle persistait, que l’issue étroite, problématique et non démocratique de gouverner par ordonnance. Rien que le fait d’être réduit à évoquer une telle possibilité constitue un recul dans le fonctionnement de nos institutions. On ne peut pas avoir entretenu dix-huit ans de vie démocratique pour se retrouver ainsi nu comme un ver, sans autre possibilité que de forcer le passage pour avancer. Sans débats, mais avec dégâts.

 

Alors que nous devons en être à modéliser notre expérience démocratique, ayant été le laboratoire des conférences nationales, à l’orée des années 90, nous marquons le pas depuis avec des élections fraudées, des suffrages volés, des voix achetées, des résultats tripatouillés. Pris au plaisir d’un jeu aussi malsain qui est devenu le plus grand commun rassembleur de notre classe politique, nous n’en finissons plus de promettre la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) qui, elle-même, n’en finit plus de venir. Avec la cherté de la vie qui nous donne désormais le droit d’opérer des coupes sombres dans tous nos budgets, n’accédons-nous pas ainsi au devoir d’enterrer pour de bon la Lépi ? Une simple question à zéro franc pour situer le peuple béninois et lui faire gagner des milliards de francs de respect et de reconnaissance.

 

Jérôme Carlos


La chronique du jour du 23 juillet 2008



Date: Jeudi 24 juillet 2008
Tag(s) : #Politique Béninoise
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