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Nouveau découpage territorial : Le Bénin au bord de la division

 

9 octobre 2008 - LE MATINAL


Le Bénin est au bord d’une profonde division dont les germes sont déjà perceptibles à travers les mouvements de protestation nés spontanément au lendemain de la désignation des nouveaux chefs-lieux de département. Les populations de plusieurs régions qui sont descendues dans les rues pour manifester ne s’opposent pas seulement au choix effectué par le régime en place, mais aussi, elles veulent exprimer leur ras-le-bol sur des affres qu’elles subissent depuis un certain temps.

De la contestation à la protestation. Est-ce bientôt la division ? Ce n’est pas encore le cas. Mais la situation actuelle ne s’y éloigne pas. Le Bénin a changé du tout au tout en moins de 24 heures. Les réactions des populations pour contester les nouveaux chefs-lieux de département sont nées presque un peu partout et ont plongé le pays dans une ère indescriptible de climat social très grippé qui se déroule sur fond de régionalisme. Au centre comme au sud, la désignation des chefs-lieux a fâché les populations. Chacune d’entre-elles brandissant l’argument du plus méritant réclame ouvertement qu’on retire à l’autre ce qu’on lui a donné sur des critères, qu’on suppose bien mûris et réfléchis par les décideurs. Si Dassa revendique le chef lieu au même titre que Savè, et que les deux populations ont choisi de se mettre dans la rue, alors que Savalou savoure déjà cette victoire dans les Collines, ce n’est pas une bonne nouvelle pour la cohésion entre les populations et l’intercommunalité. Il y a lieu de se poser de véritables questions sur les relations futures entre les peuples de ces régions. Parce qu’une chose est sûre. On voit mal comment le gouvernement peut bien concilier les intérêts de chacun de ses peuples. Est-ce qu’il voudra renoncer à sa première décision sans fâcher l’autre ? C’est un casse-tête. Le clivage ethnique va s’enraciner très profondément, puisque les « Idatcha » de Dassa, qui ne veulent pas que les « Tchabè » de Savè, encore moins les « Mahi » de Savalou emportent le chef-lieu ne sont pas prêts de céder du terrain et à abandonner ce combat qu’ils viennent à peine de commencer. Le même esprit de gagner étant installé dans les cœurs, ce n’est pas Savè qui va au prix de n’importe quel sacrifice accepter de se taire. Dassa non plus. Et que dire de Glazoué, qui n’est pas sans ambition comme les autres villes sœurs ? Même si les populations de cette localité ne rêvaient pas de cette aubaine, elles pourront être inspirées par les mouvements de protestation observés ici et là pour se mettre aussi en scène afin de faire entendre leur voix. Faudra t-il créer autant de département pour autant de villes ? Là n’est surtout pas la solution puis que si le régime le fait dans les villes des Collines, il sera tenu de répéter la même chose dans les autres régions qui manifestent contre le nouveau découpage. Au sud, les mêmes protestations ne manquent pas. Dans le Plateau, de vives tensions sont signalées notamment à Adja-Ouèrè et à kétou. Bopè étant la ville désignée, ce choix a fait naître des frustrations et l’idée d’emboîter le pas aux populations des villes des Collines est bel et bien d’actualité. Dans l’Atlantique ce sont les populations d’Allada qui voient leur ville en bonne place que Ouidah, qui sera probablement retenue comme chef-lieu par le gouvernement. Même si chacun est resté dans sa région pour revendiquer le chef-lieu, tous ont l’intention d’être en train de mener un combat juste. Un combat qui ressemble à une lutte d’affirmation de son groupe ethnique et de son peuple dans la plupart des départements. Le nouveau découpage territorial date depuis 1992. C’est pour éviter ces évènements que les régimes de Soglo et de Kérékou n’ont pas voulu s’aventurer sur ce terrain à cause de la complexité du dossier. Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’enjeux de développement et de visibilité de chaque chef-lieu, mais surtout d’enjeux politiques. Il y avait un revers politique à subir en prenant le risque de designer comme chef-lieu une ville et non l’autre. Les prédécesseurs de Yayi Boni ont pris la mesure des dangers que comportait l’application des critères d’un nouveau découpage. Mais l’actuel chef de l’Etat n’a pas eu le temps d’analyser les conséquences d’une telle entreprise, qui en réalité est contre productive. Il faut bien quitter l’ancien ordre territorial afin de faire efficacement face aux enjeux de développement. Le président de la République n’a pas été compris dans son initiative et lui-même aurait déjà émis des sentiments de regret. Lui qui a placé son quinquennat sous le signe de la reconstruction dans l’unité est dépassé par les évènements d’hier. Son ministre en charge de la décentralisation a lancé la bombe de la division qui a commencé par ronger la famille Fcbe avant de toucher les populations. Les mouvements de protestation ont pour objectif de revendiquer et pourraient avoir pour conséquences de faire reculer le chef de l’Etat Yayi Boni. S’il se mettait à écouter les contestataires, il sera taxé une nouvelle fois de chef d’Etat qui gouverne par la rue. Ne pas les écouter, va davantage entretenir une rivalité entre les peuples qui se sentent lésés et d’autres qui se frottent les mains. Cela n’augure pas d’un bon avenir certain pour 2011. Des électeurs de certaines régions vont faire parler leur colère dans les urnes. Dans tous les cas, il faudra que le chef du gouvernement opère un choix.

 

Fidèle Nanga

Tag(s) : #Politique Béninoise
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