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Remaniement ministériel : au-delà des mots

 Lundi 27 octobre 2008 

Pourquoi un nouveau gouvernement ? Le rituel du remaniement ministériel ne relève pas du simple souci de déplacer des pions sur un échiquier. Non plus de la volonté d’en faire venir de nouveaux pour imprimer une nouvelle allure au jeu politicien. Le remaniement ministériel du 22 octobre dernier, compte tenu du contexte politique dans lequel il intervient et vu son ampleur (19 nouveaux ministres rentrants) est à tenir pour un acte de haute portée politique.

Le problème est de savoir si, dans cette opération, forcément complexe, l’architecte spécial, à la fois maître d’ouvrage et maître d’œuvre, a pu atteindre les objectifs qu’il s’est fixés. A savoir, d’une part et pour le court terme, traverser sans encombre la zone de turbulence de la crise à facettes multiples qui frappe notre pays. A savoir, d’autre part et pour le moyen et le long terme, assurer sa réélection à la tête de l’Etat, à l’horizon 2011.


Pour atteindre pleinement ce double objectif, le Président a besoin de faire entrer au gouvernement ou d’y maintenir deux profils de ministres : d’une part, ceux qui, par leur potentiel électoral, pourraient lui servir de caution politique et lui assurer, dans leurs zones respectives d’influence, le plein des voix ; d’autre part, ceux qui, par leur capacité technique, sont  un label de qualité pour le gouvernement et contribuent à en soigner l’image.


L’objectif de faire face au mieux à la crise  actuelle passe par la mise en place d’un gouvernement de large uni­on. De ce point de vue et pour garantir le succès de l’opération, hypothèse A, les différents « G » et autre « Force Clé » devraient accepter d’être partie d’une large coalition anti-crise.  Hypothèse B, à défaut du large consensus souhaité, des personnalités seraient contactées, à titre individuel, indépendamment de leurs états major politiques. Il s’agirait, en somme, de faire du débauchage en règle avec pour effet de déstabiliser assez pour affaiblir sûrement.
A l’épreuve des faits, ni l’hypothèse A ni l’hypothèse B n’ont fonctionné normalement. Les réserves et les réticences des états major politiques des « G » et de « Force clé » ont eu raison de l’une. Idem de l’autre avec les dénégations de Valentin Aditi Houdé et de Basile Ahossi, du G13 après qu’ils eurent été annoncés comme membres du troisième gouvernement du changement. Ainsi, l’échec des hypothèses A et B a annulé, du coup, le premier objectif du remaniement.
Reste le second objectif, celui d’engranger de bons points dans la perspective de la présidentielle de 2011. Pour y parvenir, il a été estimé juste de faire le ménage à l’interne, une manière de nettoyer les écuries d’Augias, en mettant la note au compte de quelques membres du gouvernement. Alexandre Hountondji, par ses sorties sulfureuses sur RFI contre le Président Nicéphore Soglo a provoqué une contre réaction qui a brisé les visées du régime sur Cotonou. Démolé Moko, a déclanché la tempête des chefs lieux départementaux, écornant l’image du régime. Il ne peut que passer à la trappe. Même sort pour Roger Gbègnonvi. Non seulement il n’a pas réussi à faire de la promotion des langues nationales un des grands chantiers du changement. Mais encore, en confondant alphabétisation et moralisation, dans sa guerre ouverte contre ses collaborateurs, il n’a pas compris que la lutte contre la corruption n’est plus pour le système un thème favori.


En remerciant tous les ministres devenus des boulets au pied de son gouvernement, le Président est dans sa logique. Mais on comprend mal le traitement réservé à deux autres ministres qui ont commencé à réussir quelque peu, réconciliant le gouvernement avec de larges franges de l’opinion. Galiou Soglo abandonne le Sport, où on note un frémissement certain, pour la Culture. Soumanou Toléba quitte le gouvernement au moment où l’univers difficile de l’art et de la culture se prépare à l’élever au rang d’un ministre pas comme les autres. Sur ces deux cas bizarres où le gouvernement semble avoir choisi de marcher sur ses propres pieds.
Une autre bizarrerie, c’est le confinement des femmes dans une représentativité de l’ordre du négligeable : quatre femmes ministres contre six dans le précédent gouvernement, lors même que l’équipe gouvernementale passe de 26 à 30 membres. Voilà comment on traite celles qui, sur le plan démographique, représentent 52% de la population. Un même traitement au niveau du commandement territorial : zéro femme parmi les nouveaux Préfets nommés, contre deux précédemment. Une exécution en règle des femmes, avec le sentiment secret qu’elles n’ont pas besoin d’être mieux traitées pour voter correctement. Veut-on donner raison a ceux qui soutiennent que les femmes ont complètement intériorisé leur rôle d’animatrices des meetings et se sentent bien dans leur peau de cuisinières préposées à l’entretien des énergies des vrais acteurs ?  Voilà les termes du complot contre la femme. Mais nous ne voulons y voir qu’un défi. Plus tôt nous le relèverons, mieux cela vaudra pour la société tout entière, hommes et femmes confondus.

Jérôme Carlos
La chronique du jour du 27 octobre 2008

 

Tag(s) : #Politique Béninoise
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