BENIN: Histoire du régionalisme, extrait du livre de Guy Landry HAZOUME, écrit en 1972.

28/04/2011

BENIN: Histoire du régionalisme, extrait du livre de Guy Landry HAZOUME, écrit en 1972.

Au Dahomey (actuel Bénin), la vie politique contemporaine a été dominée par l’établissement progressif de trois grands regroupements de caractère régionaliste　: le PRD de M. Sourou Migan Apithy, largement implanté parmi les Gouns, l’UDD-RDA de M. Ahomadégbé, soutenu par les populations Fons du centre du pays, et enfin le RDD de M. Maga installé essentiellement dans les circonscriptions électorales du nord, et animé par des liens de solidarité purement ethnique.

La composition du bureau du PRD comprenait: d’Almeida Fernando (président d’honneur, Crio), Gangbo Salomon (président d’honneur, Goun), Oké Assogba (président, Goun), Viotogbe Martin (vice-président, Goun), Gnonnou Robert (vice-président, Adja), Govi Francis (Fon), Ahouanmenou Michel (secrétaire général, Goun), Hazoumè Léacici (secrétaire administratif, Goun), Ligan Alphonse (trésorier général, Goun), Fabien Thomas (trésorier adjoint, Fon), Sourou Migan Apithy (conseiller politique, Goun), Salomon Biokou (conseiller politique, Goun), Djobodé Valentin (conseiller politique, Fon d’Allada), Klika Joseph (conseiller politique, Goun), Elisha Elie (conseiller politique, Fon), Paraiso Mohammed (conseiller politique, Yoruba), Mme Apithy (déléguée des femmes, Crio), Sani Agatha (commissaire aux comptes, Yoruba), Aquereburu Richard (commissaire aux comptes, Yoruba), Ahounou Emmanuel (membre chargé de la jeunesse et de l’information, de la propagande et de la presse, Goun), Honoré Agossou (membre chargé de la jeunesse et de l’information, de la propagande et de la presse, Goun), Pierre Ahouanmenou Tocho (membre chargé de la jeunesse et de l’information, de la propagande et de la presse, Goun), Benoït Hounsou (membre chargé de la jeunesse et de l’information, de la propagande et de la presse, Goun), Kayossi Jean-Baptiste (membre chargé de la jeunesse et de l’information, de la propagande et de la presse, Yoruba).

L’Union Démocratique Dahoméenne (UDD) de M. Ahomadégbé fut (au plan formel), à travers ses organes exécutifs, le parti le plus «national et le plus représentatif de l’espace géographique dahoméen». Sa direction fut une expression concentrée du tableau ethnique varié de notre pays. Ses deux principaux dirigeants, Ahomadégbé et Lozes (secrétaire général adjoint) sont originaires de la région d’Abomey. Les autres cadres supérieurs et dirigeants du parti se présentent selon la répartition ethnique suivante: Nicoue Urbain (secrétaire politique, Mina), Kakpo (Mina), Akindes (Yoruba de la région d’Allada), Fanyo (Adja de la région d’Aplahoué), Ambroise Agboton (Goun de Porto-Novo), Batoko Mohammed et Babamoussa (Dendis), Congakou Taîrou (Dendi de la région de Djougou), Hessou (Fon d’Abomey), Edmond Dossou-Yovo (Fon de Ouidah), Benoît Capo-Chichi (Mahi de Savalou), Aplogan François (Fon d’Allada).

Le Rassemblement démocratique dahoméen (RDD) de M. Maga, contrairement aux deux autres partis, incarna au niveau de ses dirigeants le bloc ethnique et régional le plus homogène. Cette homogénéité en fit un regroupement politique strictement régionaliste. Ses cadres supérieurs et dirigeants sont ainsi tous originaires du Borgou et de l’Atacora (Maga, Borna, Chabi Mama, Arouna Mama), où sont de mères «du Nord» (Darboux, Deroux).

L’appartenance à la région, à l’ethnie, ou à la ville, constitue le critère exclusif et définitif au nom duquel le candidat à un mandat électif sera jugé apte à défendre les intérêts de sa localité, de sa région, de son ethnie d’origine. L’exemple fut donné par l’actuel ministre de l’énergie M. Lafia lors de sa fameuse réunion secrète de tous les partisans (ministres, députés, maires, préfets, fonctionnaires, directeurs de société d’Etat etc.) du Chef de l’Etat Boni Yayi mais qui

– étrangement – n’a été faite qu’en présence de citoyens-partisans uniquement originaires du nord et pour lesquels il était exigé de prouver cette origine septentrionale par une présentation individuelle de nom, prénom, commune d’origine. Le député Gbadamassi et son ami ministre Upr Kérékou ne sont pas prêts d’oublier cette réunion où l’on sent dans le son de leur voix, un certain malaise.

Lorsqu’apparaît par contre une compétition entre deux candidats qui répondent au critère définit plus haut, on reprochera souvent à l’un d’eux d’avoir, par alliance antérieure impie avec des gens d’autres régions traditionnellement rivales, trahi les intérêts sacrés de l’ethnie.

C’est ce qui pourrait arriver à Abdoulaye Bio Tchané, à ses partisans candidats à la députation et aux candidats de l’UN dans les 4 départements du nord de notre pays.

Mr Apithy fut élu député du Togo et du Dahomey à l’assemblée nationale française aux élections du 21 octobre et du 4 novembre 1945. Aux élections du mois de juin 1951, le suffrage porta au second siège de député M. Hubert Maga, qui avait fondé le «Groupement ethnique du Nord». La seule étiquette de cette organisation politique nous dispense de faire d’abondants commentaires …

Le régionalisme représente cette solidarité qui, au niveau de la région, englobe et laisse subsister des solidarités secondaires de groupe ethnique et de langue. La solidarité ethnique devient le seul moyen sûr de triompher d’une certaine forme de misère et du chômage et remplace la compétition loyale et ouverte. Ainsi, les phénomènes d’inflation ministérielle et parlementaire trouvent une partie de leur explication dans l’inclination du ministre ou du parlementaire à recruter dans son département même aux postes subalternes et non spécialisés, des gens de sa région ou de son ethnie. Le jeune chômeur conçoit tout naturellement qu’il devrait à cause d’origines ethniques communes avec le ministre, le directeur ou le député, bénéficier d’un préjugé favorable et d’une préférence automatique. Il peut en se situant dans la même perspective mentale prétendre à une dispense des obligations de concours qui existeraient. Lorsqu’il n’y prétend pas, il le suggère discrètement.

La présence obsédante de l’injustice et de l’arbitraire, le règne tout puissant des coteries d’amis et de parents, rendent une telle situation inévitable.

Le dirigeant goun de Porto-Novo, fon d’Abomey ou dendi de Djougou, ne peut limiter son action et sa propagande à sa seule petite ethnie d’origine, mais doit provoquer une dilatation progressive et inévitable de cette action et de cette propagande à l’échelon plus élevé de la région. C’est pourquoi le Chef de l’Etat doit encourager le regroupement politique en de grands ensembles comme l’UN au lieu de l’actuel émiettement observé dans son rang (18 listes au départ contre 3+1 pour l’opposition). C’est par cet exemple de regroupement en de grands ensembles comme l’UN que les béninois apprendront à travailler ensemble pour l’intérêt collectif.

La naissance et l’édification d’une vraie nation supposent que l’on intègre mieux les régions de notre pays entre elles, et que l’on fasse apparaître les liens de complémentarité qui les lient. La distribution sur le territoire national d’entreprises ou de secteurs clés de développement et de modernisation sera alors orientée à partir des conditions et des possibilités naturelles de chaque région de notre pays, et reposera en même temps sur des critères strictement économiques. Pour cela, il faut aller au regroupement des idéologies politiques similaires en des ensembles plus cohérents. L’Union fait la Nation a montré la voie; ABT s’en inspire pour créer le deuxième plus grand ensemble politique. Qu’attendent les autres pour qu’enfin, le peuple béninois est le 3è et dernier bloc politique ?

En commençant déjà à ce petit niveau, Boni Yayi pourra NOUS convaincre de sa volonté de changer positivement les choses.

Ph.D. Soumanou Bio Boni,

Professeur à l’Université de Wharton (USA) - Diplômé d’HEC et de Sciences Po Paris - Mobiles: 001 402 408 45 75 – 336 21 97 94 48 – 229 97 72 51 27.

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