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BENIN: Les leçons de droit de SEHOUETO et AMOUSSOU au roi Boni 1er

  

Cotonou le 16 Août 2010

 

Bruno AMOUSSOU

Lazare SEHOUETO

Députés

 

à

 

Monsieur le Président de la République

Chef de l’Etat

Chef du Gouvernement

 

V/ref: 575/PR/DC/SP-C

 

Monsieur le Président e la République,

 

Suite à la lettre d’attente que Monsieur Lazare Sehouéto vous a adressée en l’absence du Président Bruno Amoussou du territoire national, nous avons l’honneur de porter à votre connaissance les réflexions que nous inspire votre correspondance du 9 Août 2010.

 

Effectivement, par une lettre en date du 24 Août 2009, nous avions attiré votre attention sur une des recommandations de l’honorable Rachidi Gbadamassi au cours d’une de ses interventions publiques. Déplorant votre silence concernant certains dossiers dans lesquels des députés et d’anciens ministres seraient compromis, il vous demandait instamment d’adopter une attitude offensive, notamment en ce qui concerne le crédit-relais contracté par la Sonapra et l’achat de groupes électrogènes présumés usagés par la Sbee. C’est en soutien à cette proposition que nous vous avions suggéré, dans notre correspondance, de transmettre les dits dossiers à la justice.

Mais, alors que nous nous attendions à une prompte réaction de votre part, en illustration de votre volonté proclamée de lutter contre l’impunité, le Rassemblement national des jeunes du Bénin, une organisation soutenant votre action revient sur les mêmes dossiers au cours d’une conférence de presse, le 27 juillet 2010. En présence de membres de votre gouvernement et de votre cabinet civil, le responsable de ce mouvement a invité le Président Adrien Houngbédji à s’expliquer sur l’achat de groupes électrogènes usagés par la Sbee alors qu’il était Premier ministre et le Président Bruno Amoussou à en faire de même en qui concerne le crédit-relais contracté par la Sonapra alors qu’il était membre du gouvernement. C’est ce fait qui a amené ce dernier à remettre à la presse, le 28 juillet, un communiqué dans lequel il a rappelé notre correspondance du 24 Août 2010, restée sans suite jusque là.

 

Nous nous serions donc réjouis de votre réponse, intervenue après une année d’étude et de réflexion, si sa transmission précipitée dans la nuit du 9 Août à 23h53 ne donnait le sentiment d’une recherche improvisée de dérivatifs à l’encombrant scandale politico-financier d’ICC Services. La lecture du contenu de votre lettre nous a, en outre, plongés dans une profonde tristesse car nous ignorions que vos conseillers n’étaient pas au courant de certaines pratiques populaires dans notre pays et de lois qui régissent d’importants domaines d’activités publiques.

1- Généralement, lorsqu’un citoyen perd un objet, par exemple une moto, et qu’il soupçonne quelqu’un d’être le voleur, il n’adresse pas à celui-ci une lettre pour lui demander de se mettre à la disposition de la justice. Il porte plainte contre lui devant les juridictions et c’est la justice qui invite le soupçonné à se mettre à sa disposition. Aussi voudrions-nous vous suggérer d’adopter cette pratique courante en transmettant les dossiers concernés à la justice. Celle-ci pourra alors inviter les présumés coupables à se mettre à sa disposition.

 

2- Selon les lois béninoises, tout citoyen peut porter plainte contre un député. Il n’est pas nécessaire que ce député abandonne son mandat pour que cela soit possible. Beaucoup de nos compatriotes le savent et recourent régulièrement aux tribunaux lorsqu’ils s’estiment lésés dans leurs droits par un élu, tout particulièrement un député. Vous pouvez donc en faire de même sans attendre notre départ de l’Assemblée nationale.

 

3- Selon les lois béninoises, un député contre qui une plainte est déposée peut être entendu par la justice. Il n’est nul besoin qu’il cesse d’être député avant que le juge ne le convoque. Vous pouvez donc être rassuré, Monsieur le Président de la République, que la justice est en mesure de faire son travail d’investigation sans attendre que les mis en cause quittent l’Assemblée nationale.

 

4- Selon les lois béninoises, il revient à la justice de demander la levée de l’immunité parlementaire d’un député. Elle le fait lorsque l’état du dossier l’exige. Si cela intervenait en ce qui nous concerne, nous prenons l’engagement d’offrir nos démissions, le même jour, pour permettre la poursuite de la procédure.

 

5- Selon les lois béninoises, le Président de la République ne peut solliciter la levée de l’immunité parlementaire d’un député sans avoir reçu, au préalable, une demande dans ce sens venant de la justice. Agir autrement serait ne pas reconnaître la séparation des pouvoirs, un principe de notre Constitution dont la violation ne manquerait pas d’avoir des conséquences. Tel n’est sûrement pas votre souhait ni celui de vos conseillers les plus loyaux et les plus avisés.

Nous avons voulu respectueusement faire ces rappels pour mieux situer le malaise ressenti dans notre pays et ailleurs à la suite de la diffusion de la lettre de notre Premier Magistrat. Les turbulences de l’affaire ICC n’ont peut-être pas permis un examen attentif des arguments développés. Peut-être serait-il utile de soumettre nos observations de bon sens et de praticiens du droit à l’appréciation de la Cour Suprême, dans sa fonction de conseiller juridique du Président de la République, afin de vous assurer de leur qualité juridique.

«Quand l’intelligence déserte le forum, la médiocrité s’installe et tout finit en dictature» avait déclamé de façon prophétique, en 1990, un de vos plus proches collaborateurs sous les acclamations enthousiastes des participants à la Conférence nationale. Grande est donc l’inquiétude que nous partageons, en ce moment, avec notre peuple. Nous avons tous besoin d’être rassurés.

 

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre déférente considération.



 

 
 
Tag(s) : #Politique Béninoise
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