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 La démocratie au Bénin :

 

A  quand l’opposition légale qui renforcera le changement ?

 

Les années 1990 ont consacré l’entrée de la plupart des pays Africains, notamment ceux d’Afrique de l’Ouest dans l’ère longtemps attendue de la démocratie.  De nombreux pays ont adopté et parfois adapté à leur propre contexte sociologique, les valeurs démocratiques universelles telles que la séparation des pouvoirs, l’organisation régulière d’élections, la mise en place d’institutions républicaines et le respect des droits humains pour ne citer que celles-là.

 

Le Bénin a occupé une place de choix dans ce courant d’éveil démocratique des peuples africains.  De nombreuses élections ont été organisées avec plus ou moins de succès. Des institutions prévues par la constitution ont été mises en place et fonctionnent avec une satisfaction relative des citoyens.  Des observateurs avertis de la vie démocratique s’accordent aujourd’hui pour reconnaître que cette place de modèle de démocratie en Afrique, le Bénin la perd progressivement au profit d’autres pays qui ont élaboré leur système démocratique sur les acquis, mais aussi tirant leçon de l’inertie du système béninois.

 

Il faut reconnaître que le début du processus démocratique a été marqué au Bénin par d’importantes innovations qui ont permis de propulser le pays devant l’actualité politique internationale. Ainsi, l’Afrique francophone doit elle au Bénin la mise en place de la première commission électorale en 1995, suivie quelques années plus tard de l’adoption du bulletin unique.  Ces réformes ont beaucoup apporté à notre continent, en créant les conditions d’élections plus crédibles, même si ont peut déplorer et craindre depuis quelques années sur le continent, l ‘émergence ou la généralisation du phénomène d’élections gagnées dès le premier tour dans des pays ou les textes prévoient un scrutin à deux tours.  Ce phénomène qui vient jeter un discrédit sur l’édifice démocratique africain en construction intervient pourtant dans des pays ou coexistent des partis politiques qui ont une longue expérience et ou tous les indicateurs économiques et sociaux déjouent de tels pronostics.

 

Heureusement que le Bénin a, jusqu’à présent, échappé à cette parodie d’élections remportées dès le premier tour dans des contextes sociologiques encore largement favorables au vote ethnique.

 

Ce que le Bénin a également apporté à l’enrichissement de la démocratie en Afrique, c’est aussi des élections présidentielles dont l’épilogue est non la contestation tous azimuts, mais plutôt l’acceptation avec élégance et célérité des résultats.  C’est en effet une marque indélébile sur l’édifice de notre démocratie que constitue l’acte accompli par Maitre Adrien Houngbédji, candidat parvenu au second tour de l’élection présidentielle de Mars 2006, en reconnaissant dès la proclamation des résultats provisoires par la CENA, la victoire de son challenger en le félicitant.  Nul ne peut contester combien cet acte de grande portée historique et politique a préservé notre pays des incertitudes de lendemain électoral.    

    

Déjà en 2000, le Président Abdou Diouf, candidat à sa propre succession, avait déjà félicité le candidat Abdoulaye Wade, vainqueur de l’élection présidentielle que ce dernier venait de remporter, après avoir animé pendant plusieurs décennies, l’opposition sénégalaise.

 

Plus récemment en Mars 2007, c’est la Mauritanie qui a émerveillé l’Afrique par une élection présidentielle bien organisée à l’issue de laquelle les deux challengers de la première élection démocratique organisée dans ce pays depuis plus de 20 ans, ont échangé des propos empreints de courtoisie.

 

Mais la Mauritanie est allée plus loin.  Le Président élu vient, au cours du mois d’Avril 2007, de prendre les actes juridiques nécessaires à l’animation de l’opposition par son challenger. Comme la cerise sur le gâteau, cet acte du nouveau Président mauritanien, vient auréoler la démocratie de son pays.  Les autorités mauritaniennes ont aussi séduit les Africains en organisant un débat face-à-face entre les deux challengers au second tour de l’élection présidentielle pour faciliter le choix libre des citoyens de leur nouveau dirigeant. Quelle leçon d’élégance et d’efficacité ! Ces  actes font partie des meilleures pratiques que le Bénin devra adopter pour débarrasser sa démocratie des oripeaux qui la couvrent depuis ces cinq dernières années. En quatre scrutins présidentiels, jamais le Bénin n’a organisé un seul débat contradictoire entre deux candidats au second tour.  Ceci est un recul pour un pays, jadis qualifié de quartier latin de l’Afrique, aujourd’hui encore rempli d’intellectuels.

 

En effet,  disons-le tout net, le Bénin a perdu sa place de modèle démocratique.  Il faut être hypocrite pour penser et dire le contraire. Au cours des cinq dernières années, le Bénin a fait très peu de progrès en matière démocratique, pour ne pas dire aucun.  Organiser des élections présidentielles et législatives dans les conditions que nous connaissons tous ne saurait être assimilé à un progrès.  Le progrès en terme générique, c’est l’amélioration qualitative de l’existant.  En démocratie, c’est l’amélioration, de façon délibérée, des pratiques qui concourent à renforcer l’environnement institutionnel du processus démocratique en impulsant une dynamique aux élections de manière à leur assurer plus de crédibilité. C’est apporter de la valeur ajoutée au mécanisme existant en lui garantissant plus de transparence et plus de légitimité aux yeux des citoyens.  Nous en sommes encore loin.

 

La meilleure illustration du déclin de la qualité de notre système démocratique est la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) des législatives de Mars 2007.  Comment gouvernement, assemblée nationale et autres structures se sont-elles accordées pour nous produire une CENA de cette acabit ? Est-ce la recherche du contrôle de l’organe de gestion des élections ? Est-ce l’absence de repères ou le rejet des normes de qualité en ce qui concerne le choix des hommes ?  Fermons vite la parenthèse de cette CENA de la honte avant que l’on apprenne à l’extérieur, ce qui s’est passé chez nous. Heureusement que le gouvernement a vite enclenché la réforme du système électoral; c’est à notre honneur à tous ! 

 

Les Béninois se souviennent encore du débat stérile mais légitime engagé en 2004 sur la révision de la constitution de notre pays, certains arguant que la constitution porte en elle-même, les principes de sa modification.  Ce débat a néanmoins quelque peu écorché l’image de notre démocratie en raison des objectifs que poursuivaient ceux qui l’ont commandité et instauré, tel un ballon lancé au vent.

 

Nos compatriotes se souviennent aussi que depuis le vote de la loi N0 2001-30 du 14 Octobre 2002.portant statut de l’opposition, le décret d’application de cette importante loi est toujours attendue. Ni le Président Mathieu Kérékou qui aura eu le mérite d’avoir initié la loi, ni le Président Boni Yayi n’ont daigné prendre un décret. Malgré l’acharnement de certains politiciens, subitement devenus les chantres du changement, à désigner ceux qu’ils veulent bien voir dans l’opposition au régime actuel, le décret n’est toujours pas une priorité pour nos nouveaux princes.  Au cours de l’interview de plus de deux heures d’horloge que le Chef de l’Etat a accordée aux chaînes de télévision publique et privées en mars 2007, le Président Boni Yayi a lui même indiqué sa volonté de voir s’installer une opposition dans notre pays.  Comment et sur quelle base veut-il que s’installe cette opposition s’il ne prend pas le décret qui devrait consacrer son existence dans les conditions prévues par la loi.

 

Dans le contexte politique actuel de notre pays marqué par la prise de décisions de grande importance pour la vie des Béninois et sans analyse préalable, il est urgent que soit appliquée, dans toute sa plénitude, la loi portant statut de l’opposition. Cela exige la prise immédiate du décret d’application de cette loi que Madame Rosine Soglo a vainement réclamé alors que le Président Mathieu Kérékou était encore aux commandes des affaires.  Madame Rosine Soglo a encore réitéré ce souhait dans son allocution d’installation du bureau d’âge de l’Assemblée Nationale pour la cinquième législature.  On ne peut continuer indéfiniment de fonctionner dans une démocratie sans un statut pour l’opposition. Ce n’est pas sain, c’est un recul démocratique.

 

Si l’actuel Président de la République veut d’une opposition, ce dont il n’a pas forcément le contrôle, puisque c’est l’un des piliers d’une démocratie qui se veut moderne, il lui incombe d’en créer les conditions réglementaires afin que la loi portant statut de l’opposition trouve la plénitude de son sens. A moins de préférer l’unanimisme ambiant dans lequel baignent certains cadres incompétents et paresseux, opportunistes qui manipulent l’idéologie du changement à longueur de journée, cette chanson qu’ils ont appris du « sauveur » et qui demeure encore sans contenu concret depuis quatorze mois.  Il n’est point un secret pour personne aujourd’hui, que comme dans les années chaudes de la révolution, il suffit pour certains de chanter le changement et d’en louer l’inventeur pour prouver qu’on partage sa vision.  Tout y passe, surtout les incompétents qui se cherchent. Cela explique qu’aujourd’hui certains organes de presse de notre pays soient mis sous coupe réglée, ce qui n’augure rien de bon, ni pour la démocratie, ni pour le développement de notre pays. On le sent, on le voit aisément à travers des émissions insipides et à sens unique qui sont organisées pour faire plaisir au Chef de l’Etat. Ces émissions ne font pas honneur à leurs initiateurs, ni à leurs animateurs encore moins à notre pays.

 

La situation actuelle du pays exige des débats contradictoires que des intellectuels, chercheurs, opérateurs économiques et simples citoyens du Bénin doivent mener en toute liberté pour générer des idées de développement conformes aux aspirations du grand nombre.

 

Nous n’avons pas le droit de reculer.  L’absence d’un cadre réglementaire pour l’opposition couplée avec la forte propension de l’exécutif à contrôler les organes de presse aussi bien  privés que publics constitue une entorse préjudiciable au processus démocratique et crée les conditions d’un recul démocratique dont notre pays n’a pas besoin aujourd’hui.    

 

Il est temps que le Bénin adopte les meilleures pratiques générées par le processus démocratique en Afrique, lui qui a été pionnier et qui a aussi tant apporté à l’édification de la démocratie en Afrique, par ses innovations des années 1990.   

 

Pas de pays émergent sans une démocratie de qualité !  

 

 

                                                                                              James Koulango

 

 
     
 
Tag(s) : #Politique Béninoise
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