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LETTRE OUVERTE À MONSIEUR HORTEFEUX MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DE L’INTEGRATION, DE L’IDENTITÉ NATIONALE ET DU DÉVELOPPEMENT.

 

Par Olympe BHÊLY-QUENUM

Monsieur le ministre,

 

Le président de la République vous a commis dans une charge dont la première formulation provoqua un tollé national et international ; des souvenirs d’étudiant en lettres m’ont fait rouvrir Histoire romaine parce que l’an 9 avant Jésus Christ, Tite-Live avait déjà battu en brèche le projet du candidat Sarkozy ; le texte m’ayant paru aussi savoureux qu’opportun, j’y ai attiré l’attention dans deux journaux africains et via l’Internet. Dès lors, du Bénin (mon pays natal), Côte d’Ivoire, Gabon, Sénégal, Mali et…Nigeria, des internautes suggèrent que « ce texte soit connu dans l’enseignement » ; un correspondant s’écrie . « Vive Tite-Live ! plus intelligent que les racistes qui font la chasse aux immigrés…»

 

Tite-Live. Livre IV. Morceaux choisis

 

Voici un texte qui ne déplairait pas à Monsieur Sarkozy qui n’est pas Français de souche, mais j’y attire son attention ainsi que celle des lecteurs parce que, l’an 9 av. J-C, Tive-Live s’insurgeait déjà contre son projet d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, processus dont la cible est le rejet de l’étranger, l’exclusion de l’autre, bref : un projet raciste.

*

[…] « vous ne doutez pas, bien sûr, qu’on ait entendu raconter leur histoire, celle de Numa Pompilius, qui n’était ni patricien ni même citoyen romain, mais qu’on alla chercher au pays des Sabins par ordre du peuple avec l’assentiment du sénat pour le faire roi de Rome? puis celle de Lucius Tarquin, qui n’était ni Romain ni même Italien d’origine, mais fils du Corinthien Démarate et simple immigrant venu de Tarquinies, et qu’on fit roi du vivant des fils d’Ancus? celle de Servius Tullius, son successeur, dont la mère avait été faite prisonnière à Corniculum, fils d’une esclave et d’un père inconnu, et qui, grâce à son seul génie, son seul mérite, occupa le trône? Faut-il rappeler Titus Tatius, un Sabin, que Romulus lui-même, le père de Rome, associa au trône? C’est donc en ne dédaignant jamais pour sa naissance l’homme d’un mérite éclatant que s’est accru l’empire romain. Allez donc rougir maintenant d’un consul plébéien, quand nos ancêtres n’ont pas dédaigné des rois venus du dehors, et quand, même après avoir chassé ses rois, Rome n’a pas été fermée aux étrangers de mérite ! Les Claudius, par exemple, venaient de la Sabine, après l’expulsion de nos rois, quand nous leur avons donné le droit de cité et le rang de patriciens. Ainsi donc un étranger sera patricien, puis consul; mais qu’un citoyen romain soit plébéien et il perdra tout espoir d’accéder au consulat! Enfin croit-on impossible de trouver un homme courageux et entreprenant, bon politique et bon général, dans les rangs de la plèbe? un homme comme Numa, Lucius Tarquin et Servius Tullius? Ou bien, même s’il s’en trouve un, lui refusera-t-on l’accès au gouvernail de l’État, et préférera-t-on que les consuls ressemblent aux Décemvirs, les plus horribles des hommes, tous patriciens pourtant, plutôt qu’à nos meilleurs rois, tous hommes nouveaux?

« Mais, dira-t-on, en fait, jamais depuis l’expulsion des rois un plébéien n’a été consul. -

Et après? Toute innovation est-elle interdite? Ce qui ne s’est pas encore fait - et que de

choses sont dans ce cas chez un peuple neuf ! - doit-on, même si c’est utile, renoncer à le

faire? Les pontifes, les augures n’existaient pas sous Romulus: Numa Pompilius les a créés. Le recensement des citoyens, leur répartition en centuries et en classes n’existaient pas : Servius Tullius les a institués. Les consuls n’avaient jamais existé c’est après l’expulsion des rois qu’on les a créés. La dictature n’existait ni de fait ni de nom : elle date du temps de nos pères. Les tribuns de la plèbe, les édiles, les questeurs n’existaient pas on décida leur création. Quant aux Décemvirs législateurs, il n’y a pas dix ans que nous les avons créés, puis supprimés de notre constitution. N’est-il pas évident que dans la Ville éternelle, dont l’accroissement est sans limites, il doit y avoir des dispositions nouvelles dans les magistratures, dans les sacerdoces, dans les droits de la famille et de l’individu?

« L’interdiction même du mariage entre patriciens et plébéiens n’est-elle pas une loi des Décemvirs datant de ces dernières années, grand malheur pour tout le monde, rare injustice envers la plèbe? N’est-ce pas le plus grand et le plus scandaleux des affronts que de prendre une partie des citoyens pour des êtres tarés, qu’on n’épouse pas? N’est-ce pas pour nous l’exil dans l’enceinte de murailles communes, la relégation? Défense d’entrer dans leur alliance, dans leur parenté, et de nous mêler à leur sang ! Mais alors, si c’est une souillure pour votre pauvre petite noblesse, que vous possédez non par la race et le sang (car vous descendez presque tous des Albains ou des Sabins), mais pour avoir fait partie d’une promotion de sénateurs désignés par les rois ou même, après le départ des rois, par un décret du peuple, que ne lui conserviez-vous sa pureté par des mesures d’ordre privé? N’épousez pas de plébéiennes ! Ne mariez vos filles et vos sœurs qu’à des patriciens ! Pas un plébéien ne prendrait de force une jeune patricienne : ce sont là caprices de patriciens. Pas un ne vous aurait contraints à conclure un mariage contre votre gré. Mais faire une loi pour le défendre, abolir le mariage entre patriciens et plébéiens, c’est en fin de compte un camouflet à la plèbe. Pourquoi, en effet, ne pas étendre l’interdiction du mariage entre riches et pauvres?

« Partout et toujours on a laissé l’initiative privée choisir la maison où la femme est susceptible d’entrer comme épouse, celle où l’homme peut s’engager et prendre femme, et c’est ce choix que votre orgueil enchaîne par une loi destinée à diviser la société et à faire deux Etats d’un seul. Pourquoi ne pas interdire à un plébéien d’être le voisin d’un patricien, de prendre le même chemin que lui, d’assister au même repas, de se trouver sur le même forum? N’est-ce pas un fait du même ordre qu’un mariage entre plébéienne et patricien ou entre patricienne et plébéien? Quant au droit, en quoi finalement est-il modifié? En somme, naturellement, l’enfant suit la condition du père. Par ces mariages entre vous et nous, nous ne poursuivons qu’un seul but : compter pour des hommes, pour des citoyens. Vous, à moins de vouloir nous outrager et nous déshonorer à plaisir, vous n’ayez pas le droit de vous y opposer. »

 

Lu et extrait par Olympe BHÊLY-QUENUM.

Ecrivain et chercheur. www.obhelyquenum.com .

*

Si des Africains citoyens avaient pu se faire entendre dans les débats de la présidentielle, vous auriez peut-être lu ces extraits dans un journal français bon teint mais les nègres en ont été exclus ; d’ailleurs, hormis le texte de Mme Ségolène Royal intitulé Coopération avec l’Afrique, l’Afrique n’a guère existé pour ses concurrents ; quantité négligeable humiliée, Monsieur Sarkozy en visite à Bamako avait traîné l’Afrique dans la fange en déclarant : « La France, économiquement, n’a pas besoin de l’Afrique. Les flux entre la France et l’Afrique représentent 2% de notre économie. »

Africain arrivé en France en 1948, ancien professeur de lettres, stagiaire du Quai d’Orsay, de l’Académie diplomatique, des consulats généraux et de l’ambassade de France en Italie, avant tout homme à ne pas tolérer l’arrogance ni le mépris de ceux que Senghor appelait « les grands Blancs » j’ai riposté en des termes que voici:

« En 1952, en lisant Histoire de l’Europe, j’ai su qu’affaiblie après les accords de Munich, la France n’aurait jamais pu se maintenir parmi les grandes puissances, sans ses colonies en tant qu’alliées ; en 1960, quand les pays africains dont « la France, économiquement, n’a pas besoin » sont devenus des Etats indépendants, la cote de la langue française lourdement minoritaire dans les organisations internationales y a fait des pas de géant, bien que toujours loin d’inquiéter la langue de Shakespeare. « la question de la langue devrait primer la question économique », écrivit James Joyce ; eh bien ! si les nègres francophones cessaient de parler français? Si parmi eux ceux qui maîtrisent aussi bien l’anglais que le français décidaient de s’exprimer en anglais dans les séminaires, symposiums, colloques où les deux langues sont utilisées? Si, francophones, nous apprenions le kiswahili, langue officielle de l’Union africaine, afin de nous entendre entre nous? Monsieur Sarkozy s’apercevrait-il que la France n’avait pas besoin de l’Afrique ? C’est un défi qu’il serait opportun qu’il relève dans sa campagne électorale. » 

Ce texte refusé par les journaux des « grands Blancs », deux bimensuels africains l’ont publié et l’Internet l’a fait connaître en Afrique, en France aussi, ailleurs en Europe, voire aux USA et en Chine ! L’Afrique si brutalement piétinée par le futur président de la République française ennemi de la repentance, est, étrangement, au cœur des réseaux FrançAfrique dont il faisait resserrer les trames que La Lettre du continent ne passa pas par quatre chemins pour révéler les démarches ; il y a de quoi être sidéré qu’aucun journal de l’Hexagone n’ait repris l’information que voici :

«[….] le candidat de l’UMP cloisonne ses relations avec les dirigeants africains à travers une myriade d’émissaires. C’est ainsi avec son seul directeur de campagne, Claude Guéant, qu’il voit les émirs du golfe de Guinée comme le doyen Omar Bongo ou le président Denis Sassou Nguesso. C’est l’ancien ministre Olivier Stirn qui le représentait, le 3 avril à Dakar à l’investiture du président Abdoulaye Wade. Officiellement les dossiers sont gérés par le conseiller diplomatique David Martinon avec Pierre Régent et un jeune diplomate "africain" Bons Bouton. Parmi les secrétaires nationaux de l’UMP, les ex-ministres Jacques Godfrain et Hervé de Charrette, ne sont pas avares de notes, de même que Michel Barnier. A la SEM Coopération 92, Sarkozy a par ailleurs recruté François Jay, un ancien de Bolloré (LC n°210).» On pouvait y lire aussi : « Bunkérisés dans l’Hexagone […] les candidats à la présidence de la République française n’ont pas vraiment eu l’occasion (ou cherché) à définir ce que seront leurs rapports avec l’Afrique…L’équation Afrique/immigration a totalement pollué toute perspective de nouvelles relations avec un continent dont les extraordinaires potentialités sont aussi fortes que sa capacité de nuisance. »

 

A l’évidence les publications de l’Hexagone n’avaient cure des Africains dans les débats de la présidentielle, tandis qu’ailleurs en Europe, au Maghreb, en Israël, aux USA, en Chine, au Japon, via les Portails Internet africains et les bimensuels mentionnés - les feedback en ont fait preuve - on lisait la réponse de Mme Ségolène Royal dans Témoignage chrétien, ses textes intitulés Mon Projet pour l’Afrique et Coopération avec l’Afrique dont voici un extrait : « La coopération avec l’Afrique est essentielle pour notre pays, pas seulement au titre de la solidarité avec les populations africaines, mais aussi parce que ce qui s’y passe est crucial pour notre avenir : émigration, sécurité, risque sanitaire, risque écologique…En matière de coopération, dites-nous ce que vous voulez faire, annoncez que nous respecterons nos engagements internationaux. » 

Ses prises de position sans équivoque afférentes à ce que doit être la politique de la France en Afrique et la synthèse des feedback m’ont fait publier un article intitulé Intellectuels africains et négro-africains de France, réveillez-vous !  Quel Africain, quel Français honnête ou sans séquelles colonialistes douterait de l’obsolescence des Accords de coopération entre la France et les Etats africains et malgache d’expression française dont les fondements de plus d’un article, partant, leur abrogation est d’une nécessité urgente ?

Autres problèmes.

J’avais lu (cf. Le Monde 13/01/07) : « A l’occasion de la prochaine discussion du projet de loi sur le droit au logement opposable, Nicolas Sarkozy a estimé que s’ « il va de soi que les sans-papiers ne doivent pas y avoir accès », il a ajouté : « Je ne souhaite pas non plus que tous les étrangers en situation régulière y aient droit. »

 

Une telle déclaration connote la xénophobie, l’exclusion, le rejet de l’autre, voire le racisme ; des Africains de nationalité française pourraient en être victimes. Citoyen français, professeur de lettres dans un lycée de la banlieue parisienne, le délit de faciès faisait de moi un étranger à qui des propriétaires refusaient de louer leurs logements déclarés libres ; c’était en 1958 ; au Bénin alors le Dahomey, des Français étaient locataires de l’un des immeubles de mon grand-père. De1970 à 1980, mes enfants, métis de mère normande, ont subi le même rejet que moi et il arrive à nos petits-enfants aussi de vivre cette expérience ; qu’en sera-t-il de nos arrière-petits-enfants de père maghrébin né français ? À coup sûr, le souhait de Monsieur Sarkozy fera d’eux des « étrangers en situation régulière » sur la terre de leur grand-mère et arrière-grand-mère, bien qu’ils y soient nés. qui n’auront pas droit au logement

 

Très préoccupante, la première déclaration de Monsieur Sarkozy après son élection requiert une analyse approfondie et les chefs d’Etat africains ainsi que la diaspora africaine en France devraient s’en soucier. Ecoutons-le :

« Je veux lancer un appel à tous les peuples de la Méditerranée pour leur dire que c’est en Méditerranée que tout va se jouer [….]. Je veux leur dire que le temps est venu de bâtir ensemble une Union méditerranéenne, qui sera un trait d’union entre l’Europe et l’Afrique. Ce qui a été fait pour l’Union de l’Europe il y a 60 ans, nous allons le faire aujourd’hui pour l’union de la Méditerranée. »

Nous y voilà ! Qu’on se souvienne de cette affirmation gratuite : « Curieusement, les Noirs sont plus violents que les Arabes.» Diviser pour régner ? Approches pour l’union de la Méditerranée ? Racisme caractérisé ? Faudrait-il être un grand géographe pour s’apercevoir que le Sahara relie le Maghreb à l’Afrique noire où le Nil prend sa source ? Encore un constat : « de bâtir ensemble une Union méditerranéenne, qui sera un trait d’union entre l’Europe et l’Afrique un trait d’union n’unit rien mais sectionne un mot en occultant des dichotomies ; ce qui objectivement unit s’appelle lien : chaîne d’union loyale, sincère qu’on forme en se donnant le bras ou en se tenant par la main.

 

On lit dans Hérodote qu’Europe fut d’abord un mythe ; devenue une réalité, elle est à la fois politique et économique ; quant à l’Afrique, elle a ses divinités qui ne l’empêchent pas d’évoluer et elle ne peut que souhaiter au nouveau chef de l’Etat français issu d’une immigration réussie de réaliser « l’union de la Méditerranée » , mais nègres sans complexe nous devons lutter contre les processus de pillage des potentialités de notre continent et d’entrave aux initiatives africaines dans leurs pays ; d’autre part, ce contre quoi l’Afrique doit aussi s’insurger, s’unir et se battre de pied ferme est drastiquement exposé dans La Lettre du continent  déjà mentionnée.

*

Dans Lettre à un ami africain» adressée à Alioune Diop, Emmanuel Mounier stigmatisait les Africains «ennemis de leur propre passé... ces renégats qui n’arriveront qu’à produire, dans l’écume de quelques grandes villes, de faux Européens, des Européens en contre-plaqué.»

C’était au mitan du XX ème siècle mais ces propos suscitent aujourd’hui quelques questions :

1° les Africains en France, de nationalité française ou non, devraient-ils se comporter comme des renégats?

2° leur devoir serait-il de se taire quand un homme politique ou le Français lambda véhicule des mensonges sur des réalités du terrain objectif de leur pays natal? M. Sarkozy avait menti au sujet du nombre des médecins béninois en France.

3° les Africains de nationalité française devraient-ils de se sentir tellement français, ou tellement tolérés s’ils ne l’avaient pas, qu’ils ne devraient pas broncher si leur pays natal est insulté, humilié, traîné dans la boue?

4° en l’occurrence, les Africains de nationalité française ou tolérés sur le sol français pouvaient-ils réagir sans être traités d’anti-France ?

 

En France, que d’Africains ont vécu et vivent ces situations allègrement passées sous silence par certains grands journaux !

 

Test de langue pour immigrés ? Me revoici en 1960 à Romainville, donnant des cours du soir à des balayeurs de rue en majorité africains et maghrébins ; à mon grand étonnement, venaient aussi des Blancs droit du sol droit du sang, non pas victimes de l’illettrisme, mais analphabètes absolus ! Franc-Maçon depuis des lustres et relevant de l’obédience anglaise des Africains, Asiatiques, Indiens et Jamaïcains que je connais à Londres exercent des activités fort honorables, sans avoir eu à subir l’oppression du diktat envisagé par Monsieur Sarkozy. Immigrés, c’est sur le terrain, grâce à leurs rapports avec le peuple britannique,qu’ils ont maîtrisé la langue de Graham Green. Combien de Français en Afrique sont capables de s’exprimer dans une des langues principales du pays où ils vivent ? Allons donc ! au lieu d’un racisme reptilien, qu’on ait le courage politique de décréter :Africains, partez chez vous, même si vous êtes français.

 

Olympe BHÊLY-QUENUM

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Tag(s) : #Politique Béninoise
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