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Courrier international - 11 oct. 2007
 
ÉTATS-UNIS - Une épidémie d'incidents racistes
Depuis l'affaire de Jena, les agressions racistes se multiplient dans tout le pays. Elles visent tout particulièrement la communauté noire.
Sur le campus de l'université du Maryland, où un étudiant sur trois appartient à une minorité, un nœud coulant a été retrouvé suspendu à un arbre devant un bâtiment qui abrite des associations noires. Dans l'enceinte d'un lycée pour sourds et malentendants situé sur le campus de l'université Gallaudet à Washington, sept lycéens, six Blancs et un Noir, ont agressé un autre élève noir et l'ont barbouillé des initiales "KKK" et de croix gammées.

Plus d'une douzaine d'incidents de ce genre ont été signalés dans tout le pays depuis l'affaire de Jena, la petite ville de Louisiane où six adolescents noirs avaient été accusés d'avoir passé un élève blanc à tabac après que des élèves blancs eurent accroché des nœuds coulants aux branches d'un arbre dans la cour de leur lycée.

Dans la plupart des incidents racistes recensés au cours des deux derniers mois, des nœuds coulants ont été déposés anonymement dans des établissements scolaires ou sur des lieux de travail, comme dans le vestiaire d'un commissariat de Long Island, dans un garage de bus à Pittsburgh et même dernièrement sur la porte d'un professeur noir de l'université Columbia de New York.

"Plus d'une douzaine d'incidents connus du public, c'est beaucoup", déclare Mark Potok, du Southern Poverty Law Center, un groupe de défense des droits civiques de l'Alabama. "Généralement, les incidents de ce genre s'étalent sur un an, pas sur un mois."

D'après les criminologues et les défenseurs des droits civiques, on constate souvent une augmentation des délits de haine raciale après des événements comme l'affaire de Jena. "Chaque fois qu'une affaire a des répercussions sur le plan national, on assiste à une hausse des incidents du même type par émulation", explique Brian Levin, directeur exécutif du Centre d'étude sur la haine et l'extrémisme de l'université de Californie de San Bernardino.

Ces délits par émulation sont le plus souvent le fait d'hommes jeunes qui s'ennuient ou sont ivres et qui cherchent à attirer l'attention sur eux, poursuit Levin. En règle générale, ils ne font pas partie de groupes extrémistes, dit-il, mais nourrissent des sentiments d'animosité raciale ou se sentent menacés par des groupes raciaux qui, pensent-ils, bénéficient d'avantages injustes. "Ils éprouvent déjà ces préjugés, la plupart du temps, et l'incident de Jena leur a donné le feu vert pour passer à l'acte", commente Levin.

Pour les universitaires et les défenseurs des droits civiques, cette flambée d'incidents est le reflet des tensions raciales qui persistent aux Etats-Unis. "Ces tensions n'ont jamais disparu de notre culture, malgré tous les progrès accomplis", estime Philip Dray, écrivain new-yorkais spécialiste de l'histoire noire, auteur de At the Hands of Persons Unknown : The Lynching of Black America ["Des meurtriers sans visage : le lynchage de l'Amérique noire"]. "Sous la surface perdurent une hostilité et une méfiance qui peuvent se réveiller facilement… On peut se retrouver dans une situation où les gens s'entendent pendant des années, puis un incident sert de déclencheur et on assiste à ce genre d'éruption." Il souligne que les nœuds coulants constituent un acte clair d'hostilité envers les Noirs, sachant qu'aux Etats-Unis 4 000 Noirs furent lynchés au XIXe et au XXe siècle.
Marisol Bello
USA Today
 © Courrier international 2007 | ISSN de la publication électronique : 1768-3076    
Tag(s) : #INEDITS
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