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Bénin : clarté du débat, visibilité sur la scène politique

Vendredi 12 septembre 2008

 
C’est à croire que les Béninois savent tout faire, sauf former un gouvernement. Toujours attendu et différé, le remaniement ministériel promis n’est plus que serpent de mer pour une presse en mal d’inspiration. Différentes personnalités se sont succédés au Palais de la Marina. Différentes missions présidentielles ont été diligentées auprès de différentes personnalités. Il semble, aujourd’hui, que ce ballet incessant a fait chou blanc, manquant de se conclure par un gouvernement  voulu d’ouverture ou de large uni­on, selon la terminologie officielle. Adieu veau, vache, cochon, couvée. La toute première conséquence de ce qu’il faut bien convenir d’appeler un échec, si l’on ne devait pas avoir peur des mots, c’est que le Président Boni Yayi se trouve délié de tout engagement envers qui que ce soit. Les critères qui présideront à la formation du prochain gouvernement seront à sa discrétion exclusive. Il n’aura donc de compte à rendre à personne d’autre qu’à lui-même.

Voici le schéma simplifié de l’espace politique de notre pays.  D’un côté, un pouvoir légitime, qui ne se lasse pas, du reste, de faire référence aux 75% des Béninois qui lui ont alors fait confiance. Ce pouvoir décide de tendre la main à la quasi-totalité de la classe politique pour gouverner. Il s’agirait prioritairement, même si l’on n’appartenait pas à la même chapelle, de se retrouver, cependant, ensemble aux commandes pour piloter le Bénin du changement. Mais vers quelle destination ? Sur la base de quel accord minimal programmatique ? Nous n’avons pas semblé avoir reçu des réponses à ces questions.


En face, les différents groupes, alliances et partis qui continuent de clamer leur appartenance à « la mouvance présidentielle » sans pour autant s’aliéner au pouvoir dont ils ne perdent aucune occasion de se démarquer. Oui, pour aller dans un gouvernement de large uni­on, mais en plaçant la barre à une hauteur que le pouvoir ne peut franchir sans se claquer ou se déchirer. On peut tout faire, dit-on, avec une baïonnette, sauf s’asseoir dessus. Dans le cas du Bénin qui nous occupe,  reconnaissons qu’il y a des conditions qu’un gouvernement ne peut accepter sans se faire hara-kiri.
Nous ne sommes pas loin d’être dans un jeu de cache-cache. Le concept de gouvernement d’ouverture, qui s’est fait inviter dans le débat politique ces jours derniers, a formellement l’accord de tout le monde, sans que les différentes parties à un tel accord puissent cacher ou taire leurs désaccords. Comme si l’on était d’accord pour faire quelque chose, tout en se donnant des raisons d’être d’accord pour ne pas le faire ou pour le faire différemment. C’est dire que, au-delà des discours, il y a, de part et d’autre, des intentions non déclarées, des calculs cachés, des non dits. Et le tout nous est servi, joliment habillé dans le pagne commun, mais trompeur, des mêmes mots.


En fait, la formation d’un gouvernement d’ouverture ou d’uni­on a butté contre un principe fondamental : la sincérité. Et il ne faut pas croire que c’est parce que nous sommes en politique qu’il n’en faut pas. C’est donc contre ce principe que s’est fracassé le projet de formation d’un tel gouvernement. Dans la meilleure des hypothèses, tout aurait dû commencer par le minimum possible et qui ne tient qu’à une question : où allons-nous ensemble et pourquoi ? Voilà le préalable, avant que les une et les autres ne spéculent sur les avantages et les gains politiques à tirer de l’opération.

 

En d’autres mots, une chose que de vouloir procéder à la formation d’un gouvernement d’ouverture et de large uni­on. Mais c’en est une autre que de dire pourquoi l’uni­on et à quelles fins. En fait, il n’y avait rien à dire. Comme d’habitude. Il y avait pour le bon peuple à attendre que cela se passe. Comme d’habitude. Il y avait pour le bon peuple à prendre acte de ce qui aurait été décidé en son nom. Comme d’habitude.

 

Mais les choses ne s’étant pas passées comme souhaité, il y a lieu, nous semble-t-il, d’engager l’avenir sous des jours meilleurs, plutôt que de faire du sur place ou de végéter dans l’impasse. Mais avant toutes choses, entendons-nous bien : l’échec du projet d’un gouvernement de large uni­on n’est pas synonyme d’échec de l’uni­on des Béninois, d’échec de l’unité du Bénin. Une stratégie politique a échoué, mais un principe majeur demeure.

 

Et pour mieux affirmer ce principe, il sera nécessaire de procéder à une clarification du débat politique pour une meilleure visibilité de et sur la scène politique de notre pays. De ce point de vue, et bien au contraire, la démocratie ne souffrirait point qu’il y ait au Bénin, un parti ou un groupe de partis au pouvoir qui gouvernent et en face des forces politiques dans l’opposition qui s’opposent. Le consensus à tout prix et à n’importe quel prix dans lequel nous nous engageons, de plus en plus, ici et là, en Afrique, prend les allures d’un compromis plutôt boiteux qui signera la mort de la démocratie. Pour un oui et pour un non, les états majors politiques partagent le pouvoir au lieu de laisser le peuple souverain les départager dans leur quête du pouvoir.

Il faut, dans cette perspective, promouvoir d’une part, une gouvernance de gestion démocratique du pouvoir, dans un cadre multipartiste qui préserve tous les droits de la minorité. Il faut, dans cette perspective, promouvoir d’autre part, une culture d’opposition qui ne se confond point à la tauromachie, l’art de combattre les taureaux dans l’arène, et qui ferait voir rouge tout le temps, ou qui conduirait à tirer sur le pouvoir à contre temps. La culture d’opposition, promeut une démarche constructive et positive de faire la politique autrement avec pour seul et unique dénominateur commun : l’intérêt supérieur du pays.

 

Jérôme Carlos
La chronique du jour du 12 septembre 2008 



Tag(s) : #EDITORIAL
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