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Le chemin de croix de Roger Gbégnonvi


Jeudi 16 octobre 2008 

L’art de mettre les pieds dans le plat. Roger Gbégnonvi, ministre chargé de la Promotion des Langues nationales n’est pas content et pas du tout. Et il le fait savoir. Les cadres de son ministère ? Un gros paquet de pourriture ! Ces cadres, aux dires du ministre, ont su mettre en place de savants et tortueux systèmes pour se sucrer sur le dos de l’Etat et donc sur celui du contribuable. Ces cadres s’activent, par ailleurs, à contrecarrer toutes les initiatives du ministre, ainsi paralysé dans la conduite de la mission que le chef de l’Etat lui a confiée. On y verrait les propos désabusés d’un homme mis hors de ses gonds. C’était sur une chaîne de télévision de la place le dimanche 12 octobre. Qu’a voulu dire plus simplement et plus directement, Roger Gbégnonvi ? L’homme nous apprend que, corruption et félonie ont envahi son espace de responsabilité gouvernementale, entouré qu’il est de pilleurs de deniers publics, assiégé qu’il est de torpilleurs de ses nobles projets pour la nation. Peut-on parler ainsi sans nuances ? Malheureux innocents noyés dans le troupeau de ceux qui sont ainsi sévèrement jugés.

Le ministre, par cette sortie remarquée a voulu ainsi nous peindre ou nous dépeindre une facette de notre société, et par un jeu de miroir, nous renvoyer l’image caricaturale, certes, mais bien réelle de nous-mêmes, lors même que nous nous gargarisons du slogan du changement, sans manifester la moindre volonté de changer.
Ce qui se passe au ministère de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales et que le ministre critique vertement, n’est que ce qui se passe presque partout, dans toutes les sphères d’activités, sur le territoire national. La pourriture ainsi dénoncée par Roger Gbégnonvi dans son ministère ne se retrouve-t-elle pas partout ? C’est cette  pourriture qui attend d’être dénoncée ailleurs, par d’autres qui, à l’image du ministre, refuseraient de faire dans la langue de bois, rejetteraient toute conjuration du silence face aux intérêts du peuple menacés.


Ainsi vue, la sortie de Roger Gbégnonvi se pare d’un courage certain. Elle tranche avec la posture démissionnaire et « poncepilatiste » des trois singes de la légende : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire. Et le ministre sait qu’en choisissant ainsi de naviguer à contre-courant, il se met à dos l’armée de ceux qu’il pourfend de ses critiques. Il ne s’agit de rien de moins que d’une déclaration de guerre.


A ce point de notre analyse, on peut croire que, dans cette guerre ainsi déclarée, les ennemis de Roger Gbégnonvi  sont désormais bien identifiés. Erreur. Roger Gbégnonvi, nous semble-t-il, a d’autres ennemis. Il gagnerait à les identifier. Il gagnerait à les connaître.
L’une parmi les tout premiers ennemis du ministre n’est-elle pas sa trop grande candeur, à comprendre comme la qualité d’une personne pure et innocente ? Où croyait-il qu’il atterrissait cet ancien militant de la société civile, après qu’il eut accepté de rentrer au gouvernement ? Au paradis des bienheureux ? Au royaume des cadres droits, justes, aux mains pures ? Pour dire que Roger Gbégnonvi, ministre, retrouve en son nouveau point de chute la pourriture qu’il a laissée à son point de départ, comme membre de la société civile. Le Bénin n’a pas changé et il n’y a pas plus de pourriture ici que là, hier par rapport à aujourd’hui. Pourquoi alors faire croire qu’on lance une nouvelle croisade à l’assaut d’un mal ancien ?


Par ailleurs, le ministre, dans son ministère, fait figure d’un leader. Et le leader, c’est celui qui veut aller quelque part, mais qui n’y va jamais tout seul. Il lui faut partager sa vision avec les autres. Il lui faut rendre ses objectifs désirables. Il lui faut être une personnalité agréable. Il lui faut surtout comprendre que le neuf fait peur, parce qu’il bouscule les habitudes acquises et consolidées, parce qu’il dérange les conforts établis. Les collaborateurs que le ministre trouve ainsi en place, dans un domaine ouvert à l’innovation où tout est à inventer et à créer, sont comparables à des hommes et à des femmes à convertir à une nouvelle religion. On doit y aller mollo, avec pédagogie, en déployant un trésor de patience.


Et puis, s’il est admis que la pourriture dont parle le ministre ne se limite pas, étant par conséquent la chose la mieux partagée dans tous les espaces de notre pays, que peut-on donc attendre d’une action de moralisation qui ne prendrait en compte qu’un seul ministère ?
Une hirondelle ne fait pas le printemps. Si le coup d’éclat de Roger Gbégnonvi, dans son ministère, n’est pas relayé par un coup de semonce à l’échelle du pays tout entier, il faut craindre qu’il ne soit un coup d’épée dans l’eau. Donc, un coup pour rien. Et le ministre ne récoltera de son esclandre que des galons défraîchis de Don Quichotte, du nom de l’un des personnages de l’écrivain espagnol Cervantès. Il ne serait ni juste ni sain que Roger Gbégnonvi, en voulant le meilleur pour son pays et en s’y appliquant courageusement, soit mal payé en retour, réduit à poursuivre des moulins imaginaires. Comme Don Quichotte.

Jérôme Carlos
La chronique du jour du 16 octobre 2008

 

Tag(s) : #Politique Béninoise
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