Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Carburants « verts » et néocolonialisme

 

L'Humanité International 

 

19 décembre 2008

 

 

Énergie . L’externalisation de la production de carburants agricoles souhaitée par l’UE dans le cadre du paquet énergie-climat risque d’affamer les populations des pays les plus pauvres.

L’accord européen sur le paquet énergie-climat prévoit que les agrocarburants et l’électricité « verte » devront représenter au moins 10 % de la consommation des transports dans l’Union européenne (UE) d’ici 2020. L’ajout de « l’électricité verte », voire de l’hydrogène permet de penser que l’Europe ne prévoit plus d’intégrer 10 % d’agrocarburants dans les véhicules d’ici 2020. Mais on sait, en revanche, que Bruxelles entend parvenir à ce haut niveau d’agrocarbutants en privilégiant les importations des pays pauvres au détriment des productions vivrières pour les populations locales.

 

De mars à août 2008, le CCFD (1) a établi un document qui recense une multitude de projets de développement des agrocarburants dans les pays du Sud par les pays développés, dont ceux de l’UE. Le Bénin, la Côte d’Ivoire, Madagascar, la République démocratique du Congo, le Togo, la Colombie, l’Indonésie et les Philippines figurent parmi les pays où le développement des agrocarburants est accepté par les gouvernants locaux en partenariat avec des sociétés étrangères. Le tout au détriment du maintien des paysans sur leurs terres.

 

Syndicaliste paysan au Bénin, Nestor Mahinou était de passage à Paris voilà une quinzaine de jours. Quand ils font des cultures vivrières les paysans béninois exploitent chacun six hectares de terre en moyenne. Nestor Mahinou a révélé que la monoculture cotonnière a considérablement dégradé les sols au Bénin depuis une vingtaine d’années. Parallèlement, le recul des cultures vivirières a fait de ce pays un gros importateur de pâtes, de poulet, de riz de mauvaise qualité avec 25 % de brisure, ce qui n’a pas empêché son prix d’augmenter de 50 % en un an.

 

Peuplé de 8,5 millions d’habitants dont 55 % sont des ruraux, le Bénin est aujourd’hui largement dépendant du programme alimentaire mondial pour nourrir la partie la plus pauvre de sa population. Néanmoins, après plusieurs rencontres avec le président brésilien Lula, le chef de l’État béninois Boni Yayi veut faire de son pays un « petit Brésil » spécialisé dans les cultures de rente pour l’exportation. Il faut dire que les plus gros propriétaires terriens de ce pays sont des ministres et des parlementaires. Achetées à vil prix, leurs terres sont souvent en friche. Mais ils comptent sur l’arrivée de capitaux occidentaux pour s’enrichir.

 

Green Waves, un groupe à capitaux italiens, « a obtenu l’appui du gouvernement béninois pour l’exploitation annuelle de 250 000 hectares de tournesol en août 2007 », selon le CCFD, qui ajoute que le plan gouvernemental vise à « offrir plus de trois millions d’hectares de terre d’ici 2011 aux groupes étrangers pour la culture et le développement des agrocarburants ».

 

Outre le tournesol, les autorités béninoises veulent des plantations de palmiers à huile, de canne à sucre et de jatropha, une plante non commestible dont les dirigeants du pays espèrent qu’elle sera mieux acceptée par la population.

 

Avec le développement des agrocarburants, même le vaste Brésil est confronté à la concurrence entre cultures vivrières et cultures d’exportation. Dans les dix ans à venir, les superficies consacrées à la canne à sucre au Brésil passeront de 7 millions à plus de 10 millions d’hectares pour produire de l’éthanol. La Commission européenne prétend stupidement qu’elle veillera à ce que les pays explorateurs d’éthanol et de diester ne recourent pas la déforestation pour remplir nos réservoirs de voitures. Certes, le Brésil peut développer la culture de la canne sans l’implanter sur la forêt amazonienne fraîchement défrichée. Mais ce pays augmente ses superficies de canne sur les terres précédemment occupées par l’élevage bovin et le soja. Du coup ces deux activités agricoles font reculer en permanence la forêt amazonienne.

 

La production d’agrocarburants pousse les pays développés dans une entreprise de néocolonisation des pays pauvres. La firme sud coréenne Daewoo vient de passer un accord avec le gouvernement malgache sur la location de 1,3 million d’hectares pendant 99 ans pour produire de l’huile de palme et du maïs. La Corée du Sud acquiert aussi des terres en Mongolie. Les émirats arabes gorgés de pétrodollars lorgnent sur d’immenses superficies dans des pays de l’ex Union soviétique et d’Afrique. L’Angola est en négociation avec le Brésil, le Canada, les États-Unis et le Portugal pour développer les monocultures de rente destinées à l’export.

 

Il s’agit là d’un jeu extrêment dangereux pour la souverainneté alimentaire des peuples et pour la préservation du potentiel agronomique des sols, lesquels souffrent toujours des monocultures avec les effets cumulés de l’irrigation, des engrais chimiques et des pesticides.

 

L’Union européenne ne doit pas s’engager dans cette politique criminelle qui affamera des peuples entiers à brève échéance.

 

(1) Comité catholique contre la faim et pour le développement.

 

Gérard Le Puill



Tag(s) : #EDITORIAL
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :