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CHRONIQUE DU JOUR


Inquiétante escalade verbale

 

20 janvier 2009 - FRATERNITE

par Sulpice O. Gbaguidi

La violence du langage prend du volume à l’hémicycle avec certains députés en transe et visiblement prêts à dépasser les frontières du tolérable. Les débats sur la désignation des députés membres de la Haute Cour de justice auront connu des échanges acrimonieux d’une rare intensité. La tension grimpe à l’Assemblée nationale dans un enchaînement de propos qui donnent des frissons. La palme des dérives revient à l’honorable réputé pour son goût pour l’usage des poings. " Si la guerre civile s’impose, nous la ferons à notre corps défendant ". Cette triste et anormale envolée assaisonnée d’une forte dose de crânerie consacre la déroute de la raison et le règne de l’instinct qui dominent la psychopathie politique. Les fils de Saddam Hussein, tués par l’armée américaine, avaient ce genre de réflexes. Des partisans de dictateurs délirants, des politiciens aveuglés par la fascination du pouvoir excellent dans cette méthode de violence verbale. Mais de là à passer à l’acte, le pas est vite franchi sous d’autres cieux.

 

La question de l’éventualité d’une guerre civile, agitée naïvement dans la démesure verbale mérite une attention particulière. S’il est vrai qu’au Palais des gouverneurs, le zèle politique conduit bien de députés à verser dans l’emphase et des déclarations spectacles, l’enchaînement de phrases assassines constitue une menace permanente pour la quiétude sociale. Au cœur de la politique, le parlement ne doit pas être un brasier potentiel avec des étincelles fabriquées au gré des humeurs et des intérêts. La politique doit-elle être une machine à produire la haine et la violence avec des étincelles fabriquées au gré des humeurs et des intérêts ? La politique doit-elle toujours amener l’homme à se noyer dans les menaces et à semer la peur ? Quelle est cette politique qui se fortifie sur la peur ? A la vérité, le devoir d’allégeance auquel se soumettent des élus ouvre les portes à toutes les gaffes, même les plus perverses. L’escalade de la violence verbale éloigne le monde politique de l’apaisement et de la réconciliation sur les cendres rêvées d’une crise non encore maîtrisée. Mouvanciers zélés et opposants en gestation filent du coton empoisonné et assomment la courtoisie parlementaire. La guerre civile n’est ni une distraction, ni de simples échanges de coups de poing. Cette cinquième législature a déjà enregistré des rixes et révélé de députés bagarreurs. Et voilà de vrais guerriers qui se mettent en vedette sous couvert de propos alarmistes et mal mûris. Ceux qui se vantent de guerre civile bénéficient de l’excuse de l’inexpérience. La plupart n’ont peut-être jamais entendu des coups de canon, de mitrailleuses, des bruits de bottes et de rafales. Habitués au son des tambours, ils imaginent maladroitement l’ampleur des crépitements des armes et s’abreuvent de grossières hallucinations. Les théoriciens de la guerre civile ont-ils une fois vu un char ? Où étaient-ils lors des braquages du 1er avril et du 21 novembre 2008 ?

 

Des faits macabres recensés par l’histoire dans l’effroi de notre temps n’encouragent cependant pas le défoulement dans l’escalade verbale. L’hécatombe en Côte d’Ivoire, le génocide rwandais, la saignée démographique, les atrocités au Liberia et en Sierra Leone...ont laissé des séquelles indélébiles dans nos mémoires.

 

L’évocation imprudente de la guerre civile érigée en une vaste mais dangereuse blague parlementaire, ne rassure point sur la bonne foi de certains députés. Savoir raison garder serait la voie de la sagesse. Personne ne doit oublier que la plus grande richesse du Bénin est la paix.

Sulpice O. Gbaguidi

Tag(s) : #EDITORIAL
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