BENIN: La comédie à moto de Yayi

Chronique du jour

La comédie à moto de Yayi

Le chef de l’Etat a pris un taxi moto communément appelé zémidjan pour se rendre au Palais de la Marina vendredi dernier. Le client Yayi a offert son nouveau show populiste à zémidjan sous le regard éberlué de quelques citoyens témoins du récital de leur président. En fin de mandat, Yayi a retrouvé son imagination productive et le croustillant spectacle à moto improvisé le matin peut déjà inspirer les hommes de théâtre.

La dernière comédie de Boni Yayi fait rire. On ne doit en principe pas se plaindre d’avoir un président qui sait distraire la nation par ses scènes dans la rue. Amusons-nous avec le leader du changement à moto. Le Général Kérékou s’était adonné à ce genre d’exercice en montant sur zém. Mais le geste du Kaméléon était une exception. Le souci de popularité aiguise plutôt le réflexe populiste de son successeur qui pave son mandat d’initiatives cocasses. Il y a quelques jours, le chef de l’Etat s’est mis en évidence par un curieux jogging à Cotonou. La veille, il était au volant de sa voiture à Parakou après un footing insolite dans la même ville. On attend désormais une course de Yayi en campagne ou dans les bois pour que le rustique assure davantage la proximité désirée. La séquence de la démonstration du théâtreux transposée sur zém permet d’ouvrir la boîte des anecdotes populistes de Boni Yayi recensées à l’ère du changement. Il avait déjeuné avec les conducteurs de taxi moto zémidjan à Abomey le 1er Août 2007 à l’occasion de la fête de l’indépendance. On a encore en mémoire le fameux déjeuner avec les dockers. Le président de la République avait ingurgité des galettes et goûté à la farine à Dantokpa où il s’est aussi essayé à la tâche de cordon bleu en participant à la préparation de beignets dans l’ambiance du marché international. Le joueur Yayi a transformé magistralement un penalty lors d’un match de gala. Récemment, il a rendu une visite spectaculaire aux conducteurs de taxi moto au très populaire kiosque proche de la morgue.

La quête effrénée et obsessionnelle de popularité enfonce Yayi dans l’excitation permanente et la banalisation de la fonction présidentielle. On ne doit pas s’étonner de le voir, tout en sueur, transporter des colis au marché, conduire de pousse-pousse ou se mettre dans les rangs pour aller prendre un plat de couscous au restaurant universitaire. Il peut décider d’aller seul au champ aider les paysans ou chanter en play-back et danser avec nos artistes, rien n’est réglé. La présidentielle n’est pas une affaire de jogging ni celle de karaoké ou de la parade à moto.

Yayi s’éloigne de l’essentiel à moins d’un an du scrutin. Et pourtant son destin à la Marina est lié à sa capacité à nouer les alliances politiques victorieuses. Devant une telle évidence, le chef de l’Etat développe néanmoins ses initiatives trop populistes dans une chevauchée qui contraste avec la réalité politique. La situation se dégrade à l’Assemblée nationale pour la mouvance. Le rejet des ratifications par les anti cauris devrait en principe réveiller Yayi et lui faire évaluer l’ampleur de sa dégringolade politique à l’hémicycle. Le pouvoir du changement est en difficulté. Le bain de foule est insuffisant pour hisser Yayi dans les sondages. L’histoire de la présidentielle depuis l’avènement du renouveau démocratique montre que la politique est au cœur des joutes électorales et que le sport du président en exercice et son moyen de déplacement, la marche ou la moto zémidjan, sont des éléments à charge insignifiante.

Yayi doit maintenant descendre sur terre et affronter les problèmes qui jalonnent son mandat. Cela s’appelle gérer le pouvoir, loin de l’illusion du populisme. Mais il peut toujours chercher à faire le jogging dans toutes les communes du pays et rendre une visite de courtoisie à tous les ménages, le plus important reste le combat politique. Les fiefs attendent les consignes de vote. Les gymnastiques de charme de fin de mandat font simplement rire.

10-05-2010, Sulpice O. GBAGUIDI