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Il ne faut pas jouer avec les mots. L’attente des résultats nous plonge dans une psychose. Chaque conducteur de taxi-moto est aujourd’hui un vecteur de rumeur. Disons, un danger public… A cela s’ajoutent les mots de l’apocalypse… Personne ne sera à l’abri d’une issue catastrophique de la déferlante des contestations. Le Niger nous ravit la vedette avec l’élégance de la victoire de Mahamadou Issoufou. Quand on lui a posé la question de savoir s’il était dubitatif pour cette troisième tentative pour la conquête du pouvoir suprême, le social démocrate Mahamadou Issoufou déclare : « curieusement je n’ai jamais douté parce que je crois en des valeurs et mes camarades de lutte croient aussi en ces valeurs « . Mieux, je relève que l’opposant historique a eu 58% et son adversaire a eu 42%. Pour un parti qui est resté longtemps dans l’opposition, c’est un exploit. En Guinée, Alpha Condé, opposant historique a pris le pouvoir avec la reconnaissance de sa victoire par son challenger du retour.
Ce constat sous régional permet de formuler une question à l’instar de Jacques Attali : Que se passe-t-il quand tout avance autour de soi et qu’on s’efforce de rester immobile ? On finit par être arraché, désarticulé, emporté par le courant, éparpillé en lambeaux flottants. Le message du peuple nigérien est lourd de sens. Il voudrait célébrer la persévérance, la loyauté à une conviction profonde, et la volonté. Le statu quo, c’est ce qui menace les pays qui se croient » laboratoire » de la démocratie en Afrique de l’Ouest. Le vent qui souffle, c’est celui d’une génération de combattants épris de paix et de volonté de changer le cours de la pauvreté. Au Niger, en Guinée, en Côte d’Ivoire, des jeunesses se libèrent de la peur et optent pour la rectification d’un avenir incertain. Pourquoi le quartier latin sera-t-il de plus en plus immobile, de plus en plus enfoncé dans l’angoisse de l’issue d’un scrutin démocratique dans un pays adulte ? Le monde a désormais les yeux tournés vers le Bénin. On sait que notre démocratie est adulte. Les enfants nés en 1990 ont déjà grandi. Ils sont assez grands pour se passer de la tutelle.
En Afrique de l’Ouest, notre vœu a été toujours d’être le modèle idéal en démocratie, en éducation, en technologie. Et nous voilà, au cœur d’un dépouillement qui montre des bulletins non conformes à ceux imprimés par la Céna. Nous voilà avec des cachés » bizarres » avec la mention, » A VOTE 2006 « . Ce qui est en porte à faux avec le cachet du vote de la présidentielle, » Cena 2011 « . C’est un drame ; un désastre qui nous fait reculer loin du Niger. Tout démocrate devrait s’en plaindre et être malheureux.
Le statut quo, c’est aussi une presse partisane, manipulée à tout vent, incapable de respecter son code d’honneur pour lequel elle a voulu se distinguer. Nous sommes l’avant dernier de la classe. En conséquence, il est urgent d’ouvrir les yeux et de cesser d’interpréter tout à l’une de notre nombril. En dehors de révolutions méditerranéennes, les révolutions nigérienne, guinéenne, ghanéenne, indiquent que le monde de demain, c’est celui de l’exclusion de l’immobilisme.
Pour toutes ces raisons, nous sommes à la veille d’un défrichement politique, historique, économique et social. Nous devons comprendre d’urgence que le monde va changer de plus en plus vite ; que nous ne sommes pas les détenteurs éternels d’une rente, qui nous aurait été accordée pour nos mérites ou par les vertus du Saint-Esprit ; que notre capacité de mouvement est beaucoup plus importante que nos racines régionales et tribales ; que nous ne sommes pas destinés à rester éternellement un modèle de démocratie en Afrique.
Il est impérieux de regarder le paysage et non plus l’arbre, sur la bordure, auquel nous pouvons, pour un court instant encore, nous ligoter.
Herbert Houngnibo