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Tel père, tel fric


Par Souleymane Jules Diop 

    

Vendredi 4 Déc 2009

 

 

 

« Le plus farouche orgueil naît surtout
à l’occasion d’une impuissance »

Paul VALERY

 


On pouvait soupçonner Oumar Sarr de tout, pas de travailler contre la Génération du concret. Il en était même la tête pensante, avant que Karim Wade jette son dévolu sur Hassan Bâ, l’idéologue de Boyinaji. Mais c’est à croire que l’homme le plus puissant du Sénégal après son père est aussi condamné au même sort que le scorpion de la fable de La fontaine, à toujours piquer à mort l’animal qui tente de lui sauver la vie.


Oumar Sarr allait payer par l’humiliation, la vérité que tout homme sensé aurait dite à Karim Wade. Que la politique ne se fait pas dans des Jets privés, mais au contact des populations ; que la Génération du concret a été un échec lamentable, qu’il faudrait le dissoudre dans le Pds. Mais toutes les lèvres qui enfantent ce genre de vérités sont condamnées à l’infibulation. Le président de la République allait prendre un ministère aussi important que l’Habitat pour le remettre à Adama Sall, un socialiste qui devait se retrouver en prison pour mauvaise gestion. Je trouve peu républicaine la marche initiée par les partisans d’Oumar Sarr, mais c’est le seul moyen de ramener Abdoulaye Wade à la raison. On ne peut pas demander aux populations de Dagana d’ériger Ndaté Yalla en symbole du refus et exiger d’eux la soumission totale. Il ne peut y avoir d’esprit républicain face à des hommes qui ne se font aucun souci pour la République.
A chaque fois que nous avons cédé aux caprices du chef de l’Etat par souci républicain, nous l’avons fait contre la République. La liquidation de Bara Tall, les misères de Youssou Ndour et la récente démission forcée du président de la Cena participent tous d’un même processus enclenché il y a cinq ans, le passage de la République égalitaire à la monocratie héréditaire. Les mandats des chefs des deux chambres du Parlement ont été réduits à un an pour que rien ne fasse ombrage à la lumière éblouissante de celui que Farba Senghor a appelé un jour « Le soleil ». Le pouvoir, qui était l’émanation de la volonté populaire, découle maintenant de sa seule volonté.
Pour qu’une telle entreprise puisse prospérer, il faut deux ingrédients essentiels, bien-entendu : la jouissance pour ceux qui lui obéissent et la potence pour ceux qui lui résistent. Des libéraux de Paris m’ont demandé récemment, sur un ton empreint de résignation, si je pensais qu’avec tous les sacrifices qu’ils font pour obtenir leurs diplômes, ils ne souffraient pas face à la honte que leur infligeait un gougnafier comme « Massaly ». Abdoulaye Wade a installé un système dans lequel, pour la première fois, les courtisans sont plus importants que les ministres, les députés et les juges. Il se fera au détriment de tous ceux qui, y compris dans son camp, croient au mérite. Le culte de la médiocrité est une des nouveautés qu’il nous apporte. Son fils lui-même en est un symbole vivant. De l’école franco-sénégalaise à l’internat catholique Saint-Martin de Pontoise, son père lui a toujours fait changer d’école quand il devait redoubler de classe pour insuffisance de résultats. A l’université, il a dû attendre sa sœur Sindiely, de cinq ans sa cadette, pour partager avec elle le même mémoire de fin d’études. Depuis cinq ans qu’il s’est mis à l’apprentissage du wolof, il ne sait servir que du « grand bi » et du « tonton bi ». On comprend donc l’indignation qui a saisi le Sénégal entier, quand cette andouille s’est autoproclamée « plus illustre des sénégalais », avec la complicité de son père.


La tentative de confier l’Habitat à un homme comme Adama Sall, j’en suis persuadé, n’est pas sans lien avec l’investissement scandaleux que l’Etat du Sénégal vient d’effectuer à New York. Au début de l’année 2009, le gouvernement avait engagé des négociations avec des promoteurs immobiliers pour acheter un immeuble à New York. Le but déclaré était d’en faire « La Maison du Sénégal ». En raison des nombreux scandales mis au jour ces derniers mois, l’Etat avait fini par reculer. Etait impliqué dans cet achat, sans que l’on comprenne pourquoi, l’ancien financier du Pds devenu ministre de l’Energie, Samuel Sarr. Au début du mois de novembre, Senewebnews a révélé les détails de ce coup avorté et la colère des promoteurs immobiliers, qui ont déposé une plainte contre le gouvernement du Sénégal à la Cour supérieure de l’Etat de New York. A la surprise générale, dans la plus grande discrétion, l’Etat du Sénégal s’est rapproché de cette agence, et conclu l’affaire, pour un montant revu à 23 millions de dollars, soit environ 13 milliards de francs Cfa. L’affaire a été conclue le 18 novembre dernier, avec un signataire de l’Etat du Sénégal répondant au nom de Pape Mamadou Diedhiou. Le plus troublant n’est pas que le gouvernement engage un tel achat qui ne figure dans aucun budget, pour un montant aussi élevé. C’est qu’en fait d’immeuble, il s’agit de deux terrains vacants situés au 227-235 de la 44ème rue, entre la deuxième et la troisième avenue de Manhattan, dont la valeur totale est estimée à 1 million huit cents mille dollars, soit un peu plus d’un milliard de francs Cfa. Les promoteurs new-yorkais se confondent en excuses et en remerciements depuis la signature de la transaction. Ils remercient « en particulier » le ministre de l’Energie Samuel Sarr. Mais une telle opération, menée dans la clandestinité, ne peut être laissée sans suite. Les Sénégalais ont le droit de savoir pourquoi un espace vacant, dont le prix est estimé sur le marché de l’immobilier de New York à moins de deux milliards, a coûté à l’Etat sénégalais 13 milliards, et surtout ce que vient faire le ministre de l’Energie dans cette transaction. 


La décision de faire du Méridien-président un bien inaliénable, ce qu’il était déjà, ne visait qu’à détourner les regards de cette affaire scabreuse. Le plus gros scandale jamais connu ? C’est exagéré. Nous avons vu le pire que Pierre Aïm a admis publiquement, avec documents à l’appui, qu’il a viré 7 milliards obtenus du Fonds taïwanais dans les comptes de son fils, à la Bank of America. Plusieurs questions assiègent mon esprit, mais elles se résument en une sous ma plume : mais comment ont-ils osé ? On est allé très loin dans les assassinats politiques et les liquidations physiques, sous d’autres cieux. Mais pour trouver quelqu’un qui fait mieux qu’Abdoulaye Wade dans la prévarication mafieuse et le vol, il faudra revenir une prochaine fois sur cette planète. Mobutu a commis toutes sortes de folies, mais il n’a jamais été tenté de corrompre un fonctionnaire international avec des mallettes bourrées de devises. Ce qui se passe sous Wade n’existe sur aucun autre point du globe terrestre. S’il y a un domaine dans lequel il faut reconnaître sa suprématie, c’est bien celui-là. Il a décidé de mener ce pays à la catastrophe, quoi qu’il nous en coûte. C’est ce qui le rend si familier avec les dictateurs du monde entier. Après avoir soutenu Hussein Habré contre toute la communauté internationale, il s’en va organiser l’exfiltration de son fils Dadis Camara, qui a le sang des guinéens dans les mains.  Nous l’interpellons sur les moyens, quand il n’y a que la fin qui compte pour lui. Mais la scène guinéenne montre bien ce que l’obstination d’un seul homme peut produire.


Son système prospère grâce à la maîtrise, par sa Cour, des commandes du pays. C’est une petite camarilla, choisie par Karim Wade, qui tient les reines de l’Economie et administre le pays selon son bon vouloir. Certains de ces nouveaux riches étaient d’illustres inconnus jusqu’à ce que le fils du président de la République monte en puissance, à partir de 2004. Le profil de ceux qui dirigent nos institutions est à lui tout seul symptomatique du mal qui nous gouverne. Le président de l’Assemblée nationale a déjà été traduit devant les Tribunaux pour détournement. Le président du Sénat n’est pas mieux. Il a fait la prison pour les mêmes motifs. Vous me demanderez ce qui pourra les arrêter. La mollesse de l’opposition « républicaine » n’y peut rien. Il n’y a que la rue qui pourra mettre un terme à cette folie.
SJD

 

http://www.observer.com/2009/real-estate/following-ugly-lawsuit-senegal-closes-site-new-mission#

http://therealdeal.com/newyork/articles/deal-between-senegal-new-york-city-developers-hotel-44th-st-llc-and-east-46th-street-development-co-reached-over-building-at-227-235-east-44th-street

http://triangle.bizjournals.com/triangle/prnewswire/press_releases/national/Senegal/2009/11/19/PH14873

 

Source: SENEWEB



Tag(s) : #EDITORIAL
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