Gare au feu ethnique au BENIN

Editorial

Feu ethnique

Emiettés et désertés, les scissipares de clubs électoraux que nous appelons partis politiques sont en panne, en léthargie ou en position calculée de survie, dans une démocratie insidieusement en changement. Les ressorts de regroupement cessent d'être des idéaux politiques - s'ils l'ont jamais été vraiment - pour devenir ou redevenir le sang, la langue et le terroir. Selon cette logique, parce que je suis de Ouidah, je devrais me réjouir pour ma ville natale qui a sa Première Dame et deux ministres. Et ainsi, avec le jeu des nominations et des élections, chacun est fier, impatient ou frustré selon que son groupe ethnique est servi ou non. Ce phénomène de recours prononcé aux ressorts ethniques auquel nous assistons ou participons presque tous, a tout l'air d'un aller de soi anodin.

Il faut pourtant bien s'en méfier. Pour que l'avertissement que se veulent ces lignes serve à quelque chose, il suffirait simplement de se rappeler que le phénomène a fait ses tristes preuves ailleurs et dans des nations sœurs qui nous entourent. Nous serions mal avisés de nous croire plus malins. Car, dans le contexte actuel de la fragilisation des partis politiques, le repli ethnique sert, certes, de mobilisation rapide, mais l'ethnie est forcément exclusive sur ses limites extérieures. Quoiqu'elle soit inclusive de l'intérieur, l'ethnie est traversée de tensions irrationnelles peu compréhensibles et trop imprévisibles, quand les intérêts politiques sont en jeu. Bien qu'il faille promouvoir la diversité, le sang est trop sanguin pour qu'on laisse le ressort ethnique reprendre le pas sur le sentiment d'appartenance à une nation toujours en formation. La fierté ethnique n'est pas un problème si elle sert comme une pierre parmi d'autres à la construction d'une nation pluriethnique. Mais quand on s'en sert comme des pierres qu'on frotte, il faut craindre l'étincelle. Ne voit-on pas qu'à l'approche de ces élections locales, les ethnies sont plus en branle que les partis politiques ? Par exemple, quel magma boue sous le département des Collines et sous les eaux des Xlwa-Setto ? Gare au feu ethnique !

Abbé André S. Quenum