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mardi 10 août 2010, par dp 24
 
 
BENIN: Les 7 péchés capitaux de la présidence du roi Boni 1er

 
En homme averti, l’auteur du livre « Pour l’Afrique, je plaide. 10 défis pour la prochaine décennie » M. Azarias Fidele SEKKO, un béninois de la diaspora, président du Groupe Les Amis du Bénin, ayant son siège social en France, nous fait une autopsie sans complaisance de la gestion du président Boni Yayi qu’il accuse d’être à l’ origine de l’image désastreuse que présente le Bénin dans le concert des nations.
 
Lisons plutôt cette analyse d’une grande pertinence…
 

Notre président Boni Yayi prétendait incarner au lendemain de son élection le Changement. Il prétendait faire du Bénin un pays émergent au niveau de la sous-région et à l’échelle du continent. Toutes ces ambitions sont reléguées aujourd’hui au rang des oubliettes ; le président paraît avoir perdu la main et au sein de la coalition politique qui le soutient, à savoir l’Union pour la Majorité Présidentielle Plurielle et la Convergence 2011, c’est le vent de panique qui souffle.

 

Au cours des quatre dernières années, le fossé entre le pays et ses gouvernants dont le président Boni Yayi s’est dangereusement creusé. Les Béninois durement frappés et éprouvés par deux années de crise économique sont profondément exaspérés par leurs gouvernants et leurs élites préoccupés beaucoup plus à s’enrichir personnellement au détriment du peuple. Il semble que le camp du président a intégré la déliquescence du pouvoir et semble adopter la politique de la « terre brulée » comme en temps de guerre.

Comment cet homme élu avec près 75% des voix en 2006 a-t-il pu arriver à ce stade malgré la légitimité incontestable que lui conférait un tel score proche des élections staliniennes.

 

Retour sur les sept péchés capitaux de la présidence de Boni Yayi.

 

1- L’actuel pouvoir incarné par Yayi Boni s’est comporté en démolisseur de l’unité nationale au lieu d’en être le garant.

 

Jamais dans l’histoire de notre pays, les divisions internes n’ont été aussi fortes. Le régionalisme et le clientélisme ont atteint leur apogée. Le fossé entre riches et pauvres s’est considérablement agrandi malgré quelques « réformettes » non conduites à leur terme faute de moyens et de courage politique nécessaire.

Les relents et replis régionalistes et ethnocentriques se sont amplifiés. Ils ont cristallisé une fois de plus les débats autour de l’opposition Nord/Sud. Certes, ces problèmes sont antérieurs à l’avènement du pouvoir du président Boni Yayi, mais le principal reproche que nous lui faisons, c’est celui d’avoir exacerbé tous ces problèmes et d’avoir instrumentalisé les populations à des fins électoralistes qui loin de renforcer la démocratie l’ont considérablement affaibli. Le président, avec la légitimité du score obtenu au second tour des présidentielles de 2006 aurait dû enclencher un processus vertueux pour estomper progressivement ces replis régionalistes en se mettant au-dessus de la mêlée politicienne, mais hélas il a manqué ce rendez-vous avec l’Histoire. Les mois et années à venir nous le diront mieux car en démocratie, la seule sanction, récompense ou encouragement valable demeure respectivement l’échec ou le succès lors les élections.

 

Le président n’est pas non plus entré dans l’habit présidentiel. En effet, loin de l’image traditionnelle d’un président arbitre et rassurant, le président Boni Yayi a souvent inquiété les béninois par ses positions partisanes, sa détermination à conduire à tout prix la LEPI en dépit des remarques souvent de bon sens de l’opposition et de la société civile, sans rechercher un consensus national sur un sujet aussi important. Son manque de leadership, la confusion des genres et le mélange affaires publiques/affaires privées (la cohorte de pasteurs évangélistes devenus conseillers officiels ou officieux, ou bien intermédiaires pour accéder à la présidence pour certains hommes d’affaires véreux de la place) sont la preuve que le président n’est pas entré dans l’habit présidentiel que lui confère la Constitution suite à son élection.

 

2- L’actuel pouvoir incarné par le président Boni Yayi a préféré servir les intérêts de ses amis au lieu de se mettre au service du peuple

 

Les différents scandales qui ont défrayé la chronique ces derniers mois en témoignent : le dernier en date : l’affaire ICC- Services et ses rebondissements successifs (une vraie escroquerie en bande organisée), le scandale des machines agricoles surfacturées, la cession des parts de l’état dans la SCO (Cimenteries d’Onigbolo) et les versements présumés de commissions ou rétrocommissions, la dilapidation du patrimoine immobilier de l’état, le scandale de la Sonapra, le scandale de la CEN-SAD, celui de la micro-finance, sans oublier les exonérations fiscales et douanières octroyées à coups de milliards à certains importateurs, les situations de conflits d’intérêt avérées dans lesquelles certains proches du Président cumulent différentes casquettes les mettant en situation de conflit d’intérêt.

 

Le sentiment d’impunité lié à l’absence de volonté de lutter fermement contre ces comportements (délictueux voire criminels) organisés et préjudiciables à l’intérêt général et à l’ordre public a encouragé ces différents scandales et nuit malheureusement aux finances du trésor public qui auraient pu servir à bâtir des salles de classes, à soigner les populations, à construire les routes pour désenclaver les villages…Doux rêve, me répondriez-vous.

 

Oui, le président Boni Yayi n’a pas inventé les scandales au Bénin, ils sont antérieurs à son régime et continueront après ; mais ce qui frappe ces dernières années c’est leur caractère répétitif avec des acteurs nouveaux à chaque fois bénéficiant de soutiens très proches du pouvoir, c’est leur ampleur (des dizaines, voire des centaines de milliards FCFA). Il est temps que les bailleurs de fonds arrêtent d’apporter un soutien à ce gouvernement car on risque de les accuser de soutien abusif tant les signes de mauvaise gouvernance sont notoires.

 

Enfin, ces différents scandales reflètent bien la déliquescence des valeurs morales dans notre société. A la décharge du président Boni Yayi, il y a un manque de probité et d’exemplarité sans précédent des gouvernants ; ce qui n’a jamais été la marque de fabrique hélas de la plupart de nos dirigeants. Depuis trois décennies, chacun vient et se sert pour le bonheur de sa famille, de son village et de ses amis ; le reste n’a jamais intéressé nos dirigeants successifs. Sinon qu’ont-ils fait du Bénin ! Boni Yayi a récupéré un pays agonisant laissé par Mathieu Kérékou, il ne lui a administré aucune thérapie. Pire, il l’a replongé dans un coma profond duquel le pays aura du mal à s’en sortir indemne.

 

3- L’actuel pouvoir a mené une politique économique qui nous a enlisés dans la crise.

 

Malgré les qualités intellectuelles qu’on peut accorder à priori au trio gestionnaire de ce pays au cours de ces quatre dernières années (Boni Yayi, Koukpaki Pascal Irénée et les différents ministres des finances qui se sont succédés), force est de constater que leur politique économique a manqué de rigueur. Elle n’a pas été orientée vers le développement. Elle a été très court termiste.

L’échec de la politique du président Boni Yayi doit nous interpeller chacun face au profil du futur père de la nation béninoise. Car le tout n’est pas de rassurer le FMI ou la Banque Mondiale, mais d’oser le développement pour son peuple. Les entrepreneurs qui ont fait leur preuve honnêtement (bien entendu) ont le génie de savoir créer de la valeur ajoutée, les hauts fonctionnaires disposent des compétences pour redistribuer cette valeur ajoutée une fois créée. A quoi bon confier aux seconds ce qu’ils n’ont jamais su créer par eux-mêmes ? Il nous faut un véritable capitaine qui a un vrai leadership et une vision pour l’avenir.

 

Le reproche que nous faisons à ce gouvernement, reproche partagé également par les partenaires au développement du Bénin, c’est celui d’avoir enlisé le pays dans la crise. C’est aussi celui de n’avoir rien changé à la politique économique qui était menée. J’en veux pour preuve les exonérations fiscales et douanières qui ont été amplifiées dans une période de crise, les populations laborieuses de nos villes et campagnes ont subi durement l’augmentation du prix de l’électricité et la cherté de la vie. La dérive des finances publiques fait que le FMI vient de nous placer à nouveau « sous tutelle », le comble pour un état souverain, conséquence de la mauvaise gestion des gouvernants et de la non maîtrise des finances publiques.

 

Enfin, la politique (ou du moins l’absence de politique) menée au cours des trois dernières années n’a pas été orientée vers les objectifs de développement économique de notre pays. Les décisions prises loin de rassurer les investisseurs locaux ou étrangers les ont au contraire éloignés dans un contexte où la concurrence est féroce au sein de la sous-région, la dénonciation dès le début du mandat des licences GSM pour permettre l’arrivée d’un nouvel acteur s’est traduite par des manques à gagner considérables pour le trésor ; il en va de même récemment de la dénonciation unilatérale par le gouvernement des conventions douanières avec le secteur privé, faisant fuir ainsi du port de Cotonou des dizaines de milliards de recettes. Nous estimons que dans de telles circonstances, le gouvernement aurait dû adopter une attitude responsable préservant les intérêts du peuple béninois.

 

4- Le président Boni Yayi a souhaité régenter tout, tout seul.

 

Au cours des quatre dernières années, le président Boni Yayi a donné l’impression d’être l’alpha et l’oméga de toute l’action politique (c’est d’apparence un droit que lui confère la Constitution du 11 décembre 1990 en tant que numéro 1 de l’exécutif), mais il n’a jamais accepté porter la responsabilité, ni le chapeau lors des différents scandales, préférant faire sauter des seconds couteaux. Dans l’art d’identifier des boucs émissaires face à n’importe quelle situation désastreuse, c’en est devenu un maître ! Il est vrai que nous avons apprécié au début de son mandat cette attitude de super-cumulard (à la fois DG de société publique, de ministre, de Président…). Mais c’était sans savoir qu’il ne pourrait pas dynamiser la fonction publique. Très rapidement, l’élu de Dieu est tombé dans l’abus de pouvoir permanent. Ces ministres sont restés tétanisés au début du mandat. Hélas, qu’à la fin tout semble indiquer que l’absence de leadership, l’absence d’objectifs clairement affichés mettant l’action au service d’une dynamique collective ne résistent plus aux sarcasmes des proches collaborateurs du Président.

 

5- Le pouvoir actuel n’a pas su faire preuve de fermeté sur les problèmes de sécurité interne

 

Les braquages et cambriolages violents voire meurtriers opérés en plein jour, en plein marché, pas loin des commissariats ou à proximité de la présidence ont malheureusement émaillé les trois dernières années ; soit ces voyous ou criminels ont dû bénéficier de protection (ce que j’ai la faiblesse de croire, mais vu le scandale ICC, il est difficile d’être péremptoire à ce sujet …), soit ils ont compris que la sécurité n’était pas forcément au centre des préoccupations des gouvernants (mais uniquement dans les discours). Notre peuple a faim. La sécurité minimale à laquelle elle peut s’attendre n’est malheureusement pas assurée par ses gouvernants.

 

6- Le pouvoir actuel a contribué à faire perdre au peuple la confiance déjà faible qu’il avait placée dans ses institutions

 

Pendant quatre ans, nous avons assisté à la transhumance politique à coup d’achat de députés, ce n’est pas uniquement l’apanage du FCBE. Les populations sont désorientées, la vérité d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui et celle de demain sera une autre, la société civile a endossé le costume trois-pièces (pour les hommes) et le tailleur (pour les dames) des hommes et femmes politiques, la justice n’a pas su donner les preuves nécessaires d’une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir éxécutif ; la presse n’a pas su grandir sereinement car coincée entre l’enclume (sa viabilité économique) et le marteau (c’est-à-dire le pouvoir). Les différentes églises qui servaient de lieux d’éducation, de prière, et de convivialité ont vu leurs officiants de pasteurs se transformer plus que jamais sous le règne du président Boni Yayi en businessmen.

L’affaire ICC-Services à lui seul est l’archétype du mal dont souffre notre pays : la cupidité. Parbleu, comble de profanations certaines églises viennent d’être confisquées dans ce fameux dossier de banqueroute, pour lequel Dieu n’en est pourtant pour rien.

 

Ce pouvoir n’a pas su mettre en avant les valeurs morales nécessaires pour évoluer, à savoir : la valeur du réconfort après l’effort, le sens de l’intérêt général chez les gouvernants ; il a fermé les yeux, a cautionné des actes répréhensibles ou n’a pas mis en œuvre les diligences nécessaires pour punir fermement les auteurs des différents scandales. Notre jeunesse n’a plus de repères. Elle est désorientée. Encore une fois, notre président Boni Yayi n’a fait que renforcer un processus qui existe avant l’avènement de son pouvoir ; sa posture au début du mandat a nourri hélas beaucoup d’espoir.

 

Enfin, il est impératif que notre société fasse émerger des modèles pour notre jeunesse qui en a tant besoin. Une société a toujours besoin de modèles sur lesquels la couche juvénile peut se projeter. Aujourd’hui le spectacle est triste à tous les niveaux.

 

7- Le pouvoir actuel a détruit l’espoir suscité par le Bénin en Afrique en 2006 suite aux différentes alternances politiques et a détruit la crédibilité du Bénin à l’étranger

 

Que serait la démocratie sans un fonctionnement harmonieux des différentes institutions ? Que serait la démocratie si elle n’est pas au service du peuple et si elle n’apporte pas au peuple la satisfaction de ses besoins vitaux (éducation, santé, sécurité…) ? Le Bénin est une démocratie sur le papier justifié par les différentes alternances politiques ; c’est le stade zéro (0) de la démocratie, nous avons encore du chemin à parcourir, c’est normal car nous sommes une jeune démocratie, mais comme un jeune plant pour croître, il faut l’arroser, l’entretenir et non le piétiner car à force de le piétiner il fane et il meurt. Notre démocratie a été extrêmement piétinée au cours des 3 dernières années (blocage des institutions et notamment du parlement en 2009/2010, doutes sur l’indépendance de la justice…).

 

Soyons dignes du chemin que nous avons montré à nos frères africains, qui l’ont emprunté à notre suite. Le président Boni Yayi et son régime ont hélas failli à cette mission. C’est lui faire un mauvais procès que de ne pas tenir compte de la realpolitik très complexe qui caractérise la sous-région.

 

Toutefois, le régime dit du Changement n’a pas à être couvert pour avoir assez souvent violé les textes qui régissent le fonctionnement des institutions de la République. Que dire de la situation de descente en enfer qui prévaut dans notre pays qui au jour le jour perd sa crédibilité auprès de ses partenaires et des pays étrangers tant l’ampleur des scandales à répétition laissent à désirer ; que dire du développement des activités de trafic de tous genres sans compter la cybercriminalité faisant de notre pays une plaque tournante des infractions, donnent une très mauvaise image du Bénin. Il convient d’adresser des signes forts sans plus tarder à l’extérieur.

 

Par M. Azarias Fidele SEKKO, économiste, consultant international en Finance



 

Tag(s) : #EDITORIAL
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